Voilà qui est un peu impudique… Est-ce qu’on déclare sa flamme comme cela, publiquement ? Sans doute plus souvent qu’avant en réalité, les mœurs évoluent. Je me sens donc autorisé par l’air du temps à me dévoiler un peu ici… dans les limites de la bienséance.
Je préfère, en général, les enceintes deux voies, équipées simplement d’un haut-parleur de basse-medium et d’un haut-parleur d’aigu. Ceci n’est pas une vérité révélée, ni une philosophie, et certainement pas non plus un concept universel, c’est simplement le résultat d’une certaine expérience, de milliers d’heures passées à écouter bien des systèmes, très différents les uns des autres. Avec, presqu’invariablement, la sensation d’être plus facilement et directement connecté à la musique grâce à la grande simplicité des enceintes deux voies.
Objectivement, il est évident que disposer de 3 voies pour couvrir toute la bande passante permet d’équilibrer un peu plus les ressources. Le haut parleur medium spécifique apporte plus de précision dans cette zone. Il peut fonctionner finement et librement en produisant ses débattements plus limités que ceux de son compère basse-medium installé dans un système à deux voies. Ce dernier doit assurer simultanément les grands mouvements nécessaires pour produire les basses fréquences tout en produisant les débattements plus ténus et plus subtils des fréquences moyennes. Dans un trois voies, le constructeur double souvent le haut-parleur de basses (voire même le triple) afin d’assurer plus d’impact et une meilleure tenue en puissance. De sorte qu’avec quatre voire cinq haut-parleurs dont 2 ou 3 pour reproduire les basses fréquences, les enceintes 3 voies garantissent plus de puissance, plus de précision, et donc plus de résultats au prix bien sûr d’un encombrement et d’un tarif plus élevé dans une même gamme.
Objectivement disais-je, c’est donc parfaitement démontrable et je passe ma vie à le faire. Mais l’écoute musicale n’est pas objective, la musique vous cueille parfois, même à l’improviste, au détour d’un morceau 100 fois entendu, ou grâce à une découverte due au hasard, et vous vous sentez subitement connecté à une œuvre, à un artiste, une voix, des mots, des sons de telle façon que plus rien n’existe si ce n’est cette musique enregistrée quelque part, récemment ou il y a longtemps, et vous ici et maintenant. Sans entrave, vous vous surprenez à perdre toute notion de temps ou d’espace. Forcément ça ne dure pas, mais ces instants sont de la pure magie, et je les ai surtout vécu pour ma part, en écoutant des enceintes deux voies.
Tout cela s’explique quand même un petit peu, cela n’est pas complètement irrationnel. Le principe des enceintes deux voies répond à une volonté de simplicité, de compacité (mais pas toujours), et d’économie (mais pas systématiquement). En utilisant seulement deux composants, le fabricant simplifie la structure de son enceinte, diminue le nombre d’éléments nécessaires dans le filtre répartiteur de fréquences, qui assigne à chaque voie sa partie du message musical, et permet ainsi une économie de matériaux, de composants et de coût de finition. Ce qui amène, à gamme comparable, une réduction non négligeable du prix de son produit. Mais comme personne n’a jamais écouté un prix, l’intérêt pour l’amateur de musique est ailleurs, dans cette simplicité de conception qui oppose moins de résistance au signal musical en provenance de l’amplificateur, qui exige moins de puissance pour développer un son cohérent et permet souvent d’obtenir une balance du son très convaincante à des volumes d’écoute raisonnables, plus praticables au jour le jour pour la plupart d’entre nous.
Comprenons-nous bien, je vous parle de ma manière d’écouter la musique, et je suis conscient des limites de cette formule. Comme presque lors de chaque écoute vécue avec les clients au magasin, il arrive un moment, essentiel, au-delà du ravissement éventuel ou de la surprise suscités par les qualités des produits démontrés : celui où l’on réalise que tous les produits ont des qualités, et que malheureusement aucun ne les possède toutes. C’est normal puisque certaines de ces qualités s’excluent. Au-delà de ce constat, on devient beaucoup plus conscient que choisir, c’est renoncer, et que renoncer doit se faire le cœur léger, avec la certitude que le compromis fixé est celui qui nous connecte le plus naturellement à la musique. En ce qui me concerne, pour mes deux petites oreilles et mon petit cœur, je renonce à l’impact au profit d’une nuance qui sinon me manquerait trop. Mais évidemment, pour l’impact, j’ai une petite astuce… vous devinez ?