PratiqueRéflexion

Vive les contrôles de tonalité !

Aïe, je ne vais pas me faire que des amis ! Dans un monde idéal, chacun vivrait tout seul, dans une grande pièce parfaitement insonorisée aux normes mondiales uniques, sans devoir tenir compte des autres occupants, pas d’enfants au lit, pas de voisins, pas de mitoyenneté. L’industrie de la musique aurait standardisé toute sa production aux mêmes valeurs, idem pour les diffuseurs de radios et de podcasts, un seul producteur (sans doute une I.A.) linéariserait tous les contenus pour obtenir l’approbation du conseil mondial de l’équilibre acoustique en conséquence de quoi chaque mélomane dûment enregistré et agréé pourrait obtenir un son parfait et l’écouter aussi fort qu’il le souhaite dans son bunker individuel normalisé… Dès lors aucun besoin de contrôles de tonalité, non ?

Ca sonne un peu Orwellien? Je sais, je m’emballe toujours un peu. Mais constatons simplement que le monde n’est pas standardisé, nous non plus, que la diversité des habitats, des habitudes et des besoins est telle (et c’est heureux) que pouvoir modifier à notre convenance la restitution de la musique que nous aimons est quand même assez pratique de temps en temps. Tous les fabricants d’électronique haute fidélité ne l’entendent pas de cette oreille et je comprends vraiment leurs arguments : concevoir un système de correction de tonalité qui n’affecte pas, ne serait-ce qu’un petit peu, la transparence, la pureté du son est une impossibilité. Du moins tant qu’on reste dans le domaine des composants électroniques, du hardware (j’y reviendrai plus tard). Par conséquent, pourquoi se farcir la conception d’un circuit qui va ruiner l’idéal de pure simplicité auquel ils aspirent, autant s’en passer, c’est logique, non ? La preuve ? Quasiment tous les fabricants qui en dotent leurs amplificateurs se sentent obligés de proposer de les court-circuiter grâce à un bouton “direct” qui annule la correction pour plus de transparence. C’est exact.

Cependant, quand pour x raisons (x est égal à l’infini ou presque) vous devez “faire mollo” avec votre musique, les contrôles de tonalité peuvent vous sauver la mise. En effet, à faible volume, les membranes des diffuseurs bougent à peine et les basses sont mécaniquement bridées. De plus notre acuité auditive favorise naturellement les fréquences moyennes, celles qui contiennent le plus d’informations vitales pour nous les êtres humains. Autre phénomène bien connu des audiologistes, la perception des fréquences aigües diminue progressivement avec l’âge. Tout cela est factuel et montre que sur ce simple constat, utiliser un réglage de tonalité a du sens. Si en plus, on tient compte de la disparité des enregistrements, anciens ou récents, ou tout simplement du goût ou de l’humeur de chacun à un moment donné, on peut légitimement penser qu’une petite modification de la tonalité est acceptable voire même bienvenue, et pourquoi pas parfois, carrément indispensable, pour le plus grand plaisir musical de celui ou celle qui en a l’usage.

De plus en plus de fabricants utilisent une autre méthode, largement répandue dans l’univers du home cinéma et plus récemment aussi dans le monde des électroniques stéréophoniques. Il s’agit d’intervenir en amont de la diffusion du son. Le principe est que puisque de plus en plus, le signal est numérique et traité dans le domaine numérique, pourquoi ne pas intervenir carrément à la source, avant même que le signal ne soit décodé et amplifié. Cela évite l’utilisation de composant “hardware” pour ce faire et cela a peu ou pas de conséquences dans le domaine audible, si c’est bien exécuté évidemment. En associant cette méthode basée sur du software et en s’appuyant sur des mesures opérées dans la pièce-même où le son sera diffusé grâce à un micro (le plus souvent fourni), on parvient à corriger le signal avant décodage en tenant compte des caractéristiques d’un espace, de ses “accidents” acoustiques et dans le même temps des petits défauts d’équilibre du matériel employé. On pourrait donc en conclure que l’utilisation des contrôles de tonalité traditionnels n’est plus nécessaire puisque le système ainsi calibré anticipe en quelque sorte les problèmes et les corrige avant même qu’ils ne surviennent. Prometteur, non? Oui et non pour être honnête, à ce stade en tout cas. Le problème le plus complexe de mon point de vue est qu’un micro, surtout s’il est de qualité, n’a aucun défaut de linéarité contrairement à nos oreilles, ni aucun état d’âme contrairement à nous, pauvres petits êtres dotés d’un cœur fragile et d’une âme torturée. En cherchant la perfection et la linéarité, il n’est pas certain qu’un logiciel sache exactement comment nous séduire. Mais la grande créativité et l’évolution rapide dans ce domaine assez neuf vont certainement apporter des solutions intéressantes à défaut d’être universelles.

Je ne voudrais pas terminer cet article sans mentionner certaines bonnes vieilles méthodes qui ont fait leurs preuves et qui peuvent modifier la tonalité peu ou prou même lorsque le matériel est dépourvu de correcteurs. Par exemple, le choix d’un bon câblage qui peut établir une qualité, une profondeur de son, une finesse de détail qu’on aurait autrement cherché à compenser par un réglage de basse ou d’aigües. Je pense également à la disposition des enceintes acoustiques: si vous en avez la possibilité, n’hésitez pas à tenter quelques petits déplacements, un écartement plus ou moins important du mur arrière, une disposition plus ou moins orientée vers votre position d’écoute, l’utilisation des petits bouchons de mousse souvent livrés avec des enceintes pour modérer l’influence de l’évent bass-reflex, le montage de petits pieds ou pointes sous vos enceintes… Même la position de votre fauteuil préféré a de l’influence sur la perception du son, si c’est faisable expérimentez aussi de ce côté. De nombreux essais sont possibles dont certains ne vous coûteront qu’un peu de temps et d’efforts. Certains pourraient vous surprendre par l’ampleur des conséquences positives pour l’équilibre tonal de votre système.

À bon entendeur, salut !