L’achat d’un casque haut de gamme est une petite folie et pourtant aussi l’un des plus sensés qu’on puisse s’autoriser… Bien sûr il y a un prérequis fondamental : aimer écouter la musique de cette manière. Un casque est à la fois un outil de liberté et une entrave, son port doit être ergonomique pour l’utilisateur-trice, et la sensation de proximité inhérente au principe doit être acceptée et appréciée. Si vous cochez toutes ces cases, le niveau exceptionnel de la définition et la sensation d’être au contact des musiciens sans filtre rendent son emploi incroyablement satisfaisant et son tarif tout à fait digeste. Il faudrait sans conteste dépenser beaucoup, vraiment beaucoup plus pour constituer un ensemble amplificateur-enceintes acoustiques d’un niveau comparable. Et quand bien même, il y a une caractéristique très intéressante dans l’écoute au casque : celle de ne pas dépendre de l’acoustique de l’endroit où vous écoutez de la musique. Pas de résonances, pas de réverbération, pas d’accident acoustique majeur, rien de tout cela. Un résultat parfaitement prédictible, parfaitement reproductible, aucune place pour l’approximation. Rassurant.
Le monde des casques a toujours été divisé essentiellement en deux catégories : les modèles ouverts et les modèles fermés. (Pour l’anecdote il en existe une troisième, les semi-ouverts, mais ils sont très rares.) Le nouveau Focal Clear MG (1500,00 euros ttc) appartient à la première, son petit frère le Celestee (1000,00 euros ttc) à la seconde. Un casque fermé vous isole plus des bruits qui pourraient parasiter votre écoute. C’est le casque à privilégier si vous ne disposez pas d’un local au calme pour assouvir votre passion ou si vous osez envisager la balade avec un tel engin, ou tout simplement l’emmener avec vous pour pouvoir en profiter où et quand cela vous chante. Le casque ouvert, par contre, est très ajouré au niveau des coques qui contiennent les diffuseurs. Pourquoi les fabricants produisent-ils des versions ouvertes ? Ils pourraient se contenter de versions fermées tellement pratiques pour tout le monde, non ? Tout simplement parce qu’un casque ouvert solutionne très facilement le problème complexe posé par une version fermée, à savoir composer avec la pression acoustique générée à l’arrière de la membrane qui a tendance à faire résonner cette cavité fermée par la coque scellée d’une version fermée. Cette “contre pression” sur la membrane en mouvement génère des contraintes qui affectent plus ou moins son fonctionnement. Cette pression s’échappe beaucoup plus librement sur un modèle ouvert dont la membrane va pouvoir pistonner sans contraintes. Avec comme contrepartie que vous ne serez pas tout à fait le seul à en profiter. Si quelqu’un se trouve proche de vous il percevra des bribes de la musique écoutée, tout le monde n’apprécie pas.
Comme tout produit, c’est d’abord avec les yeux qu’on les découvre et bien qu’à l’usage, par définition, vous ne les verrez plus, il faut bien dire qu’ils sont impressionnants. Le design, les couleurs choisies, les matériaux employés, la qualité des finitions, tout cela suggère à l’évidence qu’on a affaire à du haut de gamme. Bon là, on en prend plein les yeux, mais vous le savez, c’est la suite qui importe et tout d’abord l’ergonomie de ces casques. Elle est essentielle et concerne des sensations comme le poids, le toucher des matériaux en contact avec la peau, les points de pression et leur répartition. Chacun devra juger pour lui-même, mais forts d’un poids de 450 et 430 grammes respectivement, le Clear MG et le Celestee ne sont pas des ultralégers. C’est une question de conception mécanique, un paramètre dont on n’imagine pas à quel point il influence la performance d’un casque d’écoute et à ce niveau, pas question de faire des compromis. Mais beaucoup plus importante que sa valeur, c’est la manière dont ce poids va peser sur le crâne et les maxillaires qui compte, et pour ma part, j’ai vraiment l’impression d’enfiler des charentaises super confortables, vous voyez, pas des neuves, des bonnes vieilles pantoufles faites à votre pied. Pas valorisante ma comparaison ? Chacun ses références…pardon Focal. Le modèle fermé, le Celestee, conçu pour vous isoler des bruits environnants, est forcément un peu plus cintré pour former un joint plus étanche avec la peau et aura besoin d’un temps d’assouplissement avant de se conformer à votre morphologie, c’est normal. De même, les finitions des coussinets d’oreille (mignon non?) diffèrent d’un modèle à l’autre : cuir pour le Celestee afin de former une barrière plus efficace vis à vis des sons extérieurs et microfibre à trou-trous plus respirant pour le Clear MG, un matériau moins isolant mais encore plus doux au contact, puisque le but d’un casque ouvert n’est pas de vous isoler. Dans les deux cas une grande sensation de confort se note d’emblée.
Mais au-delà de l’indispensable ergonomie, il va de soi que c’est la performance, la musicalité et le plaisir d’un son complet et riche qui comptent pour emporter la décision d’un tel achat. Je vous propose d’aborder dans un premier temps ce qui les rapproche : une qualité de timbres remarquable, une définition des voix qui ressortent au premier plan du mixage de manière limpide, sans s’entrelacer avec l’accompagnement comme cela peut être parfois le cas ailleurs. Idem sur les grandes orchestrations classiques, les violons par exemples sont présents bien à l’avant plan, comme au concert, mais là où des différences se marquent, c’est dans la perception de l’ensemble. Les extrémités du spectre sont rendues de manière plus complètes, moins mates et plus amples avec le Clear MG, qui dégage de surcroit quelque chose de plus organique et de plus sensuel, je dirais plus émouvant pour ma part. Le Celestee, de son côté est étonnamment propre pour un casque fermé, absolument pas gonflé et oppressant comme peuvent l’être certains congénères de même technologie. On dirait même que Focal a mis un point d’honneur à éviter absolument cette emphase et à proposer une réponse très linéaire, un peu comme un casque pro, mais avec le confort d’un casque pensé pour des écoutes de longue durée. Cet aspect mat et tendu rend parfaitement les percussions et les attaques de note, aucun traînage ne se ressent, le côté rythmique de la musique ressort vraiment de manière spectaculaire. Je ne peux pas m’empêcher de penser que la musique pop/rock, électro, disons en gros les musiques électriques et électroniques lui conviendront peut-être plus. Est-ce parce que ses concepteurs ont pensé à la possibilité d’une écoute mobile ? Possible avec un casque fermé, inenvisageable avec un casque ouvert. L’impédance de 35 ohms le confirme, qui le rend “pilotable” par des appareils nomades. Les 55 ohms du Clear MG n’en font pas un monstre à amplifier, mais la philosophie d’un casque ouvert est ailleurs et les différences d’amplifications et de sources vont se marquer davantage encore avec ce modèle. On sent incontestablement la supériorité technique de la membrane en magnésium du Clear MG qui permet une restitution sonore fine, précise et impactante (ces trois adjectifs sont piqués à la présentation du Clear MG sur le site Focal, mais je les trouve parfaits pour décrire ses atouts). Comme pour une enceinte à fort potentiel, il faudra veiller à l’alimenter correctement et ne pas hésiter à expérimenter dans ce domaine. Certains amplificateurs intégrés, préamplis ou DACs soignent particulièrement leur sortie casque, mais ce n’est pas le cas de tous, loin s’en faut. Un amplificateur pour casque dédié sera dans ce cas une évolution à envisager.
Finalement, ces petites folies sont elles rationnelles? Chaque réponse à cette question est strictement individuelle, mais l’expérience d’une telle connexion à la musique, certes un peu égocentrée, est d’un niveau tel qu’elle pourrait devenir votre tasse de thé, votre rafraîchissement ou votre petite dose de liqueur quotidienne, à l’éventuel grand soulagement des personnes qui partagent votre vie et votre toit sans nécessairement partager votre passion pour la musique… En démonstration à la Maison sur rendez-vous de préférence. Merci pour votre lecture.
