Notre cerveau est une machine extrêmement sophistiquée, capable de saisir des nuances difficilement mesurables via des instruments d’analyse, mais par contre incapable de ne pas superposer toute une série de couches au-delà de la perception sensorielle pure de l’instant. Ceci explique sans doute cela. C’est précisément parce que la perception des informations qui nous parviennent n’est pas seulement visuelle, mais psycho-visuelle ou olfactive mais psycho-olfactive que nous ne sommes pas capables de détacher la perception du moment de nos expériences précedentes… La dimension qui nous intéresse sur ce blog est évidemment la perception acoustique qui chez les êtres humains est … psycho-acoustique. Nous sommes donc condamnés à mettre en branle de manière systématique notre banque de donnée émotionnelle, culturelle, affective… à chaque fois que nous vivons une expérience sensorielle, par exemple en écoutant de la musique. Fort heureusement, il ne s’agit pas là d’une punition mais d’un simple mécanisme qui nous échappe et qui d’ailleurs ne nous demande pas vraiment d’effort. Nous sommes des êtres à sang chaud dotés d’une incroyable capacité d’association permettant d’établir des liens, des connexions avec des informations, des souvenirs et des émotions plus ou moins enfouis, plus ou moins vivaces et d’établir, pas toujours consciemment, de multiples interactions entre le présent et le passé, entre la réalité du moment et des sensations enregistrées. Ces strates accumulées sont d’autant plus accessibles qu’elles ont étés riches et porteuses d’émotions, même pénibles. Et nous vivons donc toujours le moment présent à travers ce prisme que je ne qualifierai pas de déformant mais plutôt d’augmentant. La réalité augmentée qu’on veut nous vendre comme la nouvelle révolution pour l’humanité, nous la pratiquons de fait depuis toujours dans toutes nos activités depuis les plus essentielles comme le simple fait de s’alimenter jusqu’aux moins vitales mais tellement précieuses comme prendre du temps pour apprécier un livre, un paysage ou de la musique.
Au plus riche est notre banque de sensations/souvenirs, au plus exaltante est notre expérience immédiate. Voilà pourquoi on ne peut jamais en avoir marre de déguster une nouvelle musique, un nouveau bouquin ou un nouveau flacon ( n’hésitez pas à remplacer ces termes par ceux qui vous conviendront ).
Pour autant, cela ne dispense pas le vecteur de sensations, la chaîne haute-fidélité dans l’activité qui nous occupe, de donner toutes les clés, si possible, pour faciliter l’expérience. La précision des informations collectées par notre cerveau est essentielle. Notre cerveau adore la facilité, il perçoit d’autant plus et mieux lorsque les informations sont limpides. Faire un effort pour cet organe nécessite une consommation d’énergie considérable qui nous éloigne de l’état de décontraction souhaitable pour lâcher prise et se connecter à cet espace hors lieu et hors temps où le DJ qui mixe nos sensations et nos émotions est en train d’improviser.
Cette réflexion est récurrente, chaque fois que je suis amené à découvrir un produit qui met la barre très haut en matière de précision. Mais attention, j’entends déjà certains rétorquer que trop de précision, trop de définition nuit au plaisir. Je ne suis pas vraiment d’accord. En effet, je suis assez convaincu que chaque fois que cette définition, soit disant trop poussée, pose problème c’est en raison d’un manque d’équilibre et/ou d’un manque de raffinement. La définition peut alors heurter et on lira ici ou là qu’elle est « chirurgicale » ou « au scalpel » ce qui n’évoque rien d’agréable en effet. Pourtant lorsque la définition est homogène et pas seulement centrée sur les fréquences les plus aigües ou la voix principale par exemple, la limpidité de ce qui nous est présenté facilite grandement la compréhension de la structure de la musique, de l’espace dans lequel elle se déploie, de la nature des instruments employés, de la moindre différence d’intensité dans la projection du son… Le paresseux en nous peut alors se laisser aller et libérer les connexions, autrement figées par l’effort, qui vont augmenter l’expérience, l’enrichir de toutes sortes de références, conscientes ou non. Je peux imaginer qu’un musicien ou un compositeur très expérimenté soit capable de s’affranchir parfois de la barrière du manque de définition, car son monde intérieur tellement riche et étoffé lui permet d’accéder à son coffre fort sensoriel et émotionnel plus facilement sans doute. Mais pour l’amateur de musique que je suis, comme pour la majorité d’entre nous sans doute, éliminer les taches, les voiles, les flous et les trous dans le message musical facilite grandement l’accès à ce niveau supérieur de plaisir et d’émotion.
Bien que tout cela puisse sembler un rien abstrait, peut-être même fumeux, je le concède, le travail des fabricants de matériel audio est au contraire tout sauf abstrait. Ce sont des recherches très minutieuses mettant en œuvre des concepts mécaniques, électriques, électroniques bien tangibles. J’ai été récemment frappé par le travail effectué par Bowers & Wilkins sur sa nouvelle série 700 S3. Nous n’avons reçu à ce jour que la nouvelle 705 S3 mais il se trouve que justement nous avons encore en magasin la 705 S2 de la génération précédente, ce qui nous a permis d’expérimenter clairement le travail d’évolution opéré sur un produit spécifique. Les nombreux changements ont clairement pour but d’améliorer la définition, la propreté du son et l’écoute le démontre de façon claire. Le niveau de précision est plus poussé, c’est flagrant. La 705 S2 est en elle-même une merveilleuse enceinte, très fluide, très ouverte, avec une tendance légèrement chaude et ronde, offrant un excellent confort d’écoute. Cependant, lorsqu’on la compare à la nouvelle mouture, on s’aperçoit immédiatement qu’on gagne un sens du détail et de l’organisation du son qui permet d’appréhender davantage encore la complexité des couches sonores, la nature des timbres, la précision de la mise en espace. On perçoit donc globalement plus de lumière sur ce qui se passe dans une prise de son. Mais ce qui frappe encore plus, c’est que tout cela rend l’écoute encore plus fluide, encore plus naturelle, encore plus agréable. Ce surcroit de définition n’est donc pas en soi un problème, c’est au contraire une solution pour accéder à une meilleure compréhension de la musique, sans effort. Le léger effet de masque lié au tout petit manque de détail, les éventuelles minimes distorsions ou colorations qu’on avait absolument pas remarqué sur la S2 en l’écoutant d’abord, apparaissent par contraste lorsque l’on se rend compte que la S3 en est exempte, ou en tout cas très largement débarrassée. C’est assez impressionnant ! Et absolument pas anecdotique. Mais pas si surprenant quand on sait que les fabricants sérieux travaillent des années à façonner, à peaufiner leur nouvelle génération de produit.
Ce que j’explique ici à propos d’un cas vécu tout récemment s’applique évidemment à l’ensemble des produits qui composent une chaîne haute-fidélité et seuls les fabricants qui avancent… ne reculent pas. Pas toujours au même rythme, souvent gamme après gamme, en faisant ruisseler en quelque sorte la technologie développée dans leur haut de gamme pour l’adapter à des gammes plus raisonnables. Exactement comme Bowers & Wilkins vient de le faire en incorporant quelques ingrédients développés sur leur série phare, la gamme 800D4, dans la nouvelle mouture de leur série 700 S3. Une meilleure définition au bénéfice d’un plus grand nombre d’utilisateurs. Afin que votre chaîne haute-fidélité soit davantage encore un instrument de très haute félicité !