Renouveau audio ? Résurgence audio ? Le français possède suffisamment de mots pour décrire ce que cette nouvelle marque alsacienne a voulu signifier lorsqu’elle s’est choisie un nom. Le mot « revival » est pourtant parfois utilisé tel quel en français, c’est alors un anglicisme , qui veut signifier la renaissance d’une tendance, d’un style et donc une forme de retour à la vie. Qu’une marque se choisisse un nom qui fonctionne à l’international est parfaitement légitime depuis que le monde est un village. Mais ce nom-là sonne bien plus comme une déclaration d’intention : nous, chez Revival Audio, allons faire revivre, en la renouvelant bien entendu, une façon de produire le son qui n’a plus tout à fait cours de nos jours. Nous allons regarder du côté des racines de la haute fidélité et vous proposer, non pas un retour en arrière, mais une sorte de synthèse de l’approche qu’ont pu avoir les anciens et les nouveaux créateurs de ce domaine particulier. Un secteur qui s’est nourri de technologie au point peut-être de parfois s’y perdre, mais qui a largement su s’alimenter avec succès par le passé d’intuition, d’empirisme et de génie créatif pour proposer d’immenses réussites malgré l’absence à l’époque des outils informatiques et du design assisté par ordinateur. De nombreux produits de ces trois décennies « glorieuses » ont comblé des générations d’amateurs de musique sans l’aide du moindre logiciel et restent d’ailleurs de nos jours très recherchés en particulier depuis le revival (…!) du disque vinyle. Je dois être de bon compte, tout ce qui précède ne sort absolument pas d’un communiqué de presse, ni d’une indiscrétion obtenue à la source : c’est de la pure spéculation de ma part, mais c’est profondément ce que j’ai ressenti lorsque j’ai eu la possibilité de découvrir certains produits de la gamme Revival Audio. J’ai donc du mal à imaginer que le sens de ce mot et son choix pour dénommer la marque ne soient pas liés très intimement.
Et pour une fois, je vais parler de l’écoute avant d’aborder l’aspect plus technique des produits que nous avons pu découvrir. La première que le distributeur nous a confiée, c’est l’Atalante 3, une deux voies (miam !) dotée d’un style très années 70 qui n’est pas fait pour nous déplaire. Elle dévoile instantanément un caractère boisé et une présence très incarnée des timbres, des voix en particulier. Ce côté boisé me fait songer aux instruments de musique, un peu comme si l’enceinte était accordée à la manière d’une guitare, d’un violon, d’un piano ou même d’instruments de percussion dont l’ensemble de la mécanique permet à l’enveloppe de vibrer et de créer l’harmonie générale et le caractère qui en font un instrument réussi et unique. On a le sentiment que, plutôt que d’essayer de supprimer le son de l’enveloppe que constitue l’ébénisterie de ses créations, Daniel Emonts a souhaité les harmoniser à la manière d’un facteur d’instrument afin de s’en faire des amies plutôt que des empêcheuses de sonner en rond. C’est en cela entre autre que cette approche donne parfois des impressions venues de l’âge d’or de la haute fidélité. Le détail a sa place aussi dans l’écoute, cela va de soi. Je vais mentionner, une fois n’est pas coutume, un disque qui me fascine, disponible depuis peu. Le merveilleux pianiste turc Fazil Say a sorti sa version des variations Goldberg de J-S Bach. Une version typée, qui ne sera sans doute pas au goût de tous, vibrante, dansante, contrastée, drôle (!), passionnante à mes oreilles. La prise de son est à la hauteur et lorsque les Atalantes 3 sont à la manoeuvre , la prodigieuse technique du musicien s’efface et l’enceinte reproduit toutes les couleurs de son jeu comme si elle-même prenait son pied, si j’ose dire. Et puisque j’ai, pour la première fois si j’ai bonne mémoire, mentionné un disque, autant parler d’un autre coup de coeur récent (et belge). La batteuse et chanteuse flamande Isolde Lasoen vient de sortir très récemment un délicieux et très rétro album intitulé « Oh dear ». Elle y chante en français et en anglais. Son petit accent brugeois lorsqu’elle chante en français est craquant notamment lors du duo « douce mélancolie » partagé avec Bertrand Burgalat, ou sur le magnétique « Lune noire ». Les orchestrations sortent tout droit des années 60, début 70 mais c’est tellement bien fait que le côté kitch de la chose est tout à fait anecdotique contrairement à la palette de timbres incroyable qui est déployée : piano, orgue, violons, choeurs abondants, cuivres, vibraphone, guitares acoustiques et électriques avec pédales wah wah à gogo et, bien entendu, percussions à foison. Tout cela est du pain béni pour les Atalantes 3 qui s’en donnent à coeur joie. Si de l’uniformité naquit un jour l’ennui, sachez que Revival Audio n’y sera jamais pour rien, tant ces enceintes s’appuient sur la moindre variation dynamique pour bondir vers la suivante et ne jamais vous lâcher dans cette course haletante, quel qu’en soit le tempo. Leur tempérament généreux peut souffrir de quelques légers débordements occasionnels mais ce n’est même pas un prix à payer, c’est simplement un état d’esprit. Elle nous ont parues pour cette raison assez susceptibles quant au choix des électroniques partenaires. Non pas qu’elles soient restrictives dans ce domaine, mais plutôt qu’elles disposent d’une capacité assez exceptionnelle à illustrer le caractère des amplificateurs et des sources associés.
Leur aspect est très « revival », on les jurerait, du moins au premier regard, sorties de la collection d’un passionné de matériel vintage. Mais en y prêtant plus attention, certains détails très raffinés ne trompent pas, comme ces inserts ton sur ton en placage noyer qui divisent l’enceinte en deux parties sur toute sa périphérie. Ou encore ce logo embouti, rond comme un cachet de cire, mais toujours dans le même bois de noyer qui donne un aspect chic mais sobre. La gravure du logo complet, discrètement disposée sur le flanc de l’enceinte, et la double grille en tissus gris chiné soulignent l’ensemble d’une touche rétro-chic qui nous a vraiment séduit. Et pour enfin en venir aux composants, la membrane basse-medium, le boomer, fait usage pour la première fois dans l’industrie audio, d’un matériau aux propriétés manifestement très…appropriées, le basalte…
Eh oui, la pierre de lave, matériau disponible naturellement et quasiment à l’infini sur notre planète, dont des fibres sont transformées lors d’un processus breveté, est au coeur d’un assemblage en sandwich dans lequel ses propriétés mécaniques font merveille bien davantage semble-t-il que celles de la fibre de verre ou du kevlar par exemple. Pour le tweeter, la marque a développé un dôme souple tissé qui fera immanquablement penser à une des autres créations de Mr Emonts durant sa longue carrière d’ingénieur, pour un fabricant scandinave bien connu. Le positionnement décalé de ce tweeter ne vous aura pas échappé. En principe, Revival Audio suggère que l’on dispose les enceintes avec les tweeters à l’extérieur, au profit d’une scène sonore plus ouverte. Ce qui est sûr, c’est qu’interchanger leur disposition n’est pas sans effet et que cela donnera l’opportunité à l’utilisateur de régler encore plus finement son système très facilement. Lors d’une autre autre étape de son parcours professionnel, au service du n°1 français de l’acoustique, Daniel Emonts a par ailleurs pu mettre en oeuvre des techniques de très haut niveau et signer quelques unes des enceintes les plus emblématiques du haut de gamme made in France. Ce qui le place dans une position idéale au moment de créer sa propre marque, fort d’une expérience considérable et rompu aux exigences des contraintes de l’industrialisation des produits.
Mais partir d’une Atalante 3 à 2399,00 euros ttc et créer une Sprint 3 à 999, 00 euros ttc sans perdre sa force, son âme et sa joie, c’est une autre paire de manches.
L’idée est d’employer les mêmes membranes afin de ne rien perdre de leur caractéristiques rares et de rentabiliser la production, tout en proposant un produit qui puisse rivaliser avec les meilleures références du marché. Savoir placer le curseur au bon endroit pour que le coût diminue considérablement sans perdre la magie et les potentialités des développements initiaux est un sacré défi. Il faut vraiment tirer son chapeau aux gens capables de le faire quel que soit leur domaine d’activité. Concrètement, si les composants sont visiblement très proches, leur mise en oeuvre et leur emballage diffèrent sensiblement, ce qui n’empêche pas les Sprint d’afficher un look intéressant, plutôt différent, notamment grâce à une face avant toute en galbe, constituée d’un composite moulé appelé Elytron, qui agit à la fois comme un déflecteur-diffuseur pour les deux haut-parleurs qu’il découvre, comme un élément d’amortissement mécanique pour l’ébénisterie et comme support pour le cache-tissus du boomer. Ses formes organiques toutes en rondeur prennent la lumière d’une façon changeante selon l’angle de vue et sa finition couleur taupe lui donne un cachet sobre mais plutôt original. Voilà typiquement une solution intelligente et créative qui permet de gérer une « descente de gamme » contrôlée, sans sacrifices problématiques pour le plaisir de l’utilisateur. Mais quel travail, que de recherches pour en arriver là ! Trois finitions d’ébénisterie sont disponibles pour cette série : noir, chêne blond et noyer foncé, de manière à faciliter leur intégration dans différents décors.
Bien entendu, on ne peut pas s’attendre à obtenir 100% de la performance proposée par les grandes soeurs. Cependant, et fort heureusement, le plaisir d’écoute n’est pas une affaire de chiffres ou de pourcentages, et je préférerais ici parler d’une large dose de bonheur musical. Comparées en mode A-B comme on dit, on gagne avec l’Atalante de l’espace tant dans l’image que dans les timbres, l’impression nette d’une dilatation des sensations proposées. Mais il est également frappant lorsque l’on revient sur les Sprint que l’énergie, la vitalité et l’incroyable présence, des voix surtout, n’ont pas été égarées lors du processus « d’abordabilité », si vous m’autorisez un néologisme. Il y a comme une concentration des qualités au coeur du matériel musical, qui certes élague quelque peu les ramifications sonores, mais qui place un accent assez bouleversant sur l’essentiel. Il s’agit vraiment d’un tour de force. N’allez pas croire que nous (ou vous) devions jeter aux orties toutes nos certitudes sur les produits qui nous plaisent et nous émeuvent. Simplement il faut être objectif face à ses émotions et pouvoir reconnaître les produits capables de les susciter. Revival Audio ne ressemble à rien de ce que nous proposons et ces enceintes ont parfaitement leur place dans notre assortiment. Nous reviendrons sans doute ultérieurement sur les autres produits de la gamme. Nous n’avons pas encore pu écouter le porte-drapeau de la marque, les Atalante 5, mais nous frétillons à l’idée de pouvoir y goûter tout prochainement. Les colonnes Sprint 4, très spéciales elles aussi, terminent provisoirement la gamme, mais mon petit doigt me dit que ces débuts tonitruants ne resterons pas sans suite avant longtemps.
Petit post-scriptum : nous venons de recevoir les pieds développés pour supporter les Atalante 3 ou les Sprint 3. Ils sont inhabituellement hauts et ils apportent une élégance très en phase avec l’esprit vintage des produits Revival, en particulier des Atalante. Cette hauteur favorise l’ouverture sonore, nous avons pu le constater instantanément en comparaison avec d’excellents supports mesurant une soixantaine de centimètres comme c’est l’usage couramment.