Aria Evo X

Non, n’allez pas imaginer la découverte d’une nouvelle planète aux confins de l’univers, Focal a, d’après nous, simplement voulu marquer de façon claire et évidente que sa série phare est renouvelée, et pas qu’un peu !
Pour toutes sortes de raisons sur lesquelles la marque ne communique pas, le style extérieur reste inchangé et seul un œil très expert repérera la différence, ce qui justifie peut-être que la nouvelle appellation, elle, soit sans équivoque. Mais on peut s’amuser un peu et deviner le pourquoi de ce statuquo visuel, non ? Pour ma part, je mise sur un subtil équilibre entre d’une part une certaine frilosité à modifier un aspect qui n’a cessé de séduire tout au long de la carrière de cette série (10 ans tout de même) et d’autre part, des contraintes économiques afin de ne pas faire décoller outre mesure le positionnement de la gamme. C’est sans doute assez sage. En effet, le succès n’a jamais faibli tout au long de cette décennie et c’est amplement mérité car Aria combinait parfaitement générosité et subtilité sonore avec un design élégant et classique. Pour aller plus loin et justifier le renouveau, il fallait modifier en profondeur tous les aspects techniques du produit pour le faire progresser, plutôt que le redessiner à grand frais sans en « retravailler » le son. Par contre, l’ajout d’une finition ne laissera planer aucun doute sur la nouveauté des Aria Neo X. Il s’agit de la bien nommée Moss Green High Gloss (eh oui, Focal est une marque mondiale), c’est-à-dire un vert mousse haute brillance. Il remplace la finition imitation noyer foncé qui quitte la gamme et côtoie donc désormais les finitions High Gloss Black et Prime Walnut bien connues. Cela permet aussi de simplifier les tarifs puisque toutes les finitions sont désormais au même prix. S’il y a débat autour de cette nouvelle finition (n’est-ce pas Jérémy ?), il faut reconnaître qu’elle est osée bien que dans l’air du temps. Pour autant, puisque personne n’achète une paire d’enceinte pour la saison 2024-2025, il faudra s’assurer de pouvoir vivre des années avec ces belles dans leur habit couleur clairière de printemps. Mais bravo pour l’audace! Qui sait, peut-être que se cache dans le nom de cette finition le programme acoustique qui sous-tend le projet, comme une invitation à s’étendre sur un tapis végétal épais, la nuque posée sur un coussin moelleux et à apprécier l’ouverture majestueuse d’une clairière dessinée par les ramures infinies qui se découpent dans le bleu du ciel, pendant que… « Incorrigible petit scribouillard, il faut toujours que tu en fasses des tonnes! » « Mais tais-toi donc, personne ne sait que je ne suis pas tout seul dans ma tête! » Où en étais-je…? Ah oui, l’aspect technique modifié en profondeur…
Voici, voilà :
Alors, cette gamme, on la scanne de bas en haut ou de haut en bas? En général on démarre du modèle le plus compact pour une ascension vers le sommet, mais j’ai envie de faire l’inverse. Parce que le modèle que nous avons le plus vendu dans la défunte série Aria, c’était, et de loin, la 948, c’est-à-dire la plus imposante. Et je dois dire qu’il y a dix ans de cela, la tendance était plutôt au rétrécissement… Aujourd’hui, les fabricants n’ont plus peur d’oser des modèles costauds et de réaffirmer que les lois de l’acoustique sont immuables quoiqu’on en dise. À l’époque, c’était une autre histoire, mais il n’a pas fallu écouter très longtemps pour comprendre le bien fondé de ce choix. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de prétendre que seules les enceintes balaises sont capables de vous faire frissonner. Il s’agit toujours d’adapter son choix à l’espace disponible et à toutes sortes de priorités dont la moindre n’est pas le budget, évidemment. Une bonne enceinte compacte vaudra toujours mieux à mes yeux qu’une colonne bas de gamme mal embouchée. Mais si tout s’y prête, si vous disposez de l’espace, du budget et de l’envie d’un son grandeur nature, ces grandes colonnes sauront vous combler. J’ai été surpris que leur encombrement ne constitue pas plus souvent un frein à l’achat. Mais je vous parle du passé là, passons au présent et à l’avenir. Place aux Evo X ! Et donc place à la plus grande d’entre elles : la N°4. L’Aria Evo X N°4 pour être précis : Focal a décidé d’homogénéiser les références à travers toute sa gamme, et donc de les appeler N°1, N°2, N°3… quelle que soit la série, depuis Theva en passant par Vestia, Aria, Kanta et Sopra. Seule la gamme Utopia, porte-drapeau oblige, a le droit d’employer des petits noms pour désigner ses différents modèles.

Mais je me suis encore égaré, où en étais-je ? Ah oui, l’aspect technique modifié en profondeur…
Allons-y : Commençons cette fois par le bas : vraiment tout en bas, entre la base de l’ébénisterie et la plinthe en alliage d’aluminium qui la découple du sol, l’espace que vous apercevez produit un sympathique effet de rehaussement et d’allègement visuel, mais sa raison d’être est avant tout technique. En effet, cet espacement permet à Focal de placer un Bass reflex, c’est-à-dire un évent, dans le plan vertical, débouchant à l’aplomb de la plinthe qui propose en son centre un bombement permettant de guider l’onde de grave à 360° vers les bords et d’assurer ainsi un couplage optimal entre la pression intérieure et l’espace environnant l’enceinte. Pourtant, un œil averti aura déjà repéré un autre évent positionné dans le plan horizontal cette fois, dans le bas du baffle support pointant droit vers l’auditeur… Alors pourquoi deux évents sur toutes les colonnes de la gamme? L’idée est de permettre à la pression interne de déboucher vers le résonnateur externe, c’est-à-dire votre pièce d’écoute, sans entrave de manière à ne pas contraindre la colonne d’air qui « voit » donc deux « issues de secours » de bon format. Ce faisant, les composants en mouvement ne subissent pas de contre-pression et peuvent exprimer toute leur dynamique. Ces composants justement, ce sont les haut-parleurs basses et medium, bien connus maintenant et d’ailleurs inaugurés sur la première génération d’Aria. Leur composition en sandwich fibre de verre-fibre de lin-fibre de verre est typique de l’ingénierie Focal. A travers toute ses gammes, la marque décline l’idée du sandwich à toutes sauces. Dans le cas de la gamme Aria, les fibres de lin français qui sont emprisonnées entre deux couches de fibre de verre apportent des caractéristiques très recherchées : amortissement et rigidité (le lin est une fibre végétale qui n’a aucune élasticité) créant ainsi un ensemble très rigide tout en ajoutant un poids négligeable à cette membrane. De cette façon, la vitesse de mise en mouvement (et d’arrêt, bien entendu) est maximalisée tandis que la membrane est remarquablement amortie par la « toile » aléatoire ainsi créée. Focal n’a pas voulu d’un maillage serré, mais plutôt lâche et aléatoire de façon à ne pas créer de résonance plus typée et intense. Accessoirement, le visuel de ces composants est très intéressant et jamais tout à fait pareil d’un échantillon à un autre, sympa !
Mais où est la nouveauté vous direz-vous, puisque c’est comme cela depuis 10 ans ? J’y arrive : les woofers (des membranes de 21 cm de diamètres dans le cas de l’Aria Neo X N°4) sont motorisés beaucoup plus puissamment, grâce à la partie invisible mais essentielle de ces composants, l’ensemble bobine et pièces polaires (aimants) dont la puissance a été sensiblement augmentée. La partie visible de l’iceberg, la membrane et sa suspension, valorise la technologie mécanique d’un woofer, la partie non visible, beaucoup plus lourde et imposante, c’est la partie électro-magnétique qui pousse et retient à la fois la membrane via le coulissement d’une bobine dans un entrefer, c’est à dire un espace circulaire très mince entre les pôles magnétiques d’un aimant lui-même circulaire. Plus l’ensemble est puissant, plus l’impulsion électrique en provenance de l’amplification sera vive et intense. Cependant, accélérer très fort sans être capable de freiner va se traduire par une grande énergie mais sans contrôle. Il est donc essentiel que la bobine soit tenue sur toute sa course lors des grands débattements des membranes de grave. La montée en température provoquée par cette énergie doit aussi être sous contrôle et son évacuation doit être soigneusement étudiée pour ne pas risquer la surchauffe et les ennuis qui s’en suivent en terme de distorsion, voire en terme de survie pure et simple du composant. Le champ magnétique doit donc non seulement être puissant mais également homogène. On le voit, c’est toujours un ensemble de facteurs qui doivent être maitrisés et ce n’est que lorsque tous les aspects d’une problématique sont pris en compte et équilibrés par un nouveau concept qu’on peut réellement parler de progrès. Voilà pourquoi, seuls le temps et le travail permettent de pousser le bouchon vraiment plus loin. Pas étonnant que dix années se soient écoulées entre ces deux générations d’Aria

En continuant notre ascension vers le sommet, on découvre un autre composant utilisant la membrane flax (fibres de lin) décrite plus haut, de diamètre un peu plus faible (16 cm). Son rôle est différent au sein des colonnes de la gamme : reproduire les fréquences moyennes. Les débattements extrêmes, ce n’est pas pour lui. Son rôle c’est de la jouer fine, subtile, et très naturelle. La zone medium est la zone la plus riche en informations pour ce qui concerne les timbres des voix et des instruments. Idéalement, ce composant ne devrait avoir aucune couleur propre de manière à ne jamais affecter la perception de chaque nuance de timbre. C’était incontestablement un grand point fort de la 1ère génération d’Aria. Pourtant, Focal a dans son arsenal de composants une amélioration développée sur cette membrane flax pour la série supérieure, la gamme Kanta. L’idée est d’insérer dans la suspension de ce haut-parleur, un anneau conçu dans la même matière (un caoutchouc choisi pour ses propriétés idéales) afin d’harmoniser le comportement de la suspension sur sa bande passante spécifique. Cette sophistication peut sembler minime, mais l’amélioration de la dynamique et l’atténuation de certaines résonances indésirables profitent à une plus grande clarté, essentielle dans ce registre.

Encore un petit effort, on est presque au sommet… Juste au dessus du medium, le tweeter a évolué nettement, c’est visible au premier coup d’œil. Si son matériau reste inchangé (un alliage aluminium-magnésium), son profil a fort changé. Fidèle au dôme inversé (concave et non convexe comme c’est l’usage partout ailleurs), une constante depuis presque toujours chez le fabricant, Focal a choisi un tout nouveau profil en M permettant d’étendre la réponse du composant tant vers le bas que vers le haut. Je sais qu’il y a débat sur l’utilité de faire monter les tweeters à des hauteurs de fréquences imperceptibles pour un être humain, même au top de ses facultés auditives. Et faire descendre un tweeter encore plus bas, à quoi bon puisqu’il ne commence à faire son boulot que nettement plus haut en fréquence? Il faut savoir que la principale préoccupation des ingénieurs est que le composant soit le plus performant possible dans sa zone efficace. Et s’il est capable d’aller au-delà sans difficulté, cela le rendra d’autant plus propre et exempt de distorsion dans sa bande réellement utile. Cette approche perfectionniste est donc réellement pertinente pour rendre l’écoute la plus naturelle possible.

Cette fois, nous voici au sommet, penchons-nous pour l’observer d’en haut. Mais que vois-je, un noble front, de beaux yeux gris-bleu, un sourire ravageur au milieu d’une barbe considérable, mais enfin….?! Oh ! Suis-je bête, c’est moi ! Mais oui ! C’est une plaque de verre trempé noir façon miroir qui finit notre N°4 comme le glaçage d’un gâteau au chocolat gastronomique… Pour ce qui est de l’habillage des flancs, la version prime walnut que nous avons choisi d’exposer est plutôt classique, mais sa veine très resserrée, presque tigrée, lui donne un aspect un peu plus moderne et l’amincit légèrement (faudra que je consulte ma styliste pour tenter l’effet sur moi). Les faces avant et arrière sont tendues d’une imitation cuir très chic que l’on peut dissimuler en utilisant le cache-tissu magnétique noir légèrement bombé qui lui confère un aspect très sobre, ne proposant que le logo Focal dans sa partie basse. Pas de révolution donc sur le plan du style mais du travail sérieux, et made in France s’il vous plaît.

Et, parce que tout ce qui vient d’être dit s’applique aux deux autres colonnes de la gamme, à savoir les Aria Evo X N°3 et N°2, je vous propose de conclure cette revue par la compacte N°1, la deux voies que nous venons de recevoir quelques jours après la N°4. Elle se pare de la toute nouvelle finition évoquée plus haut, le Moss Green High Gloss et franchement, ce n’est peut-être pas une finition pour tout le monde ou pour n’importe quel endroit, mais nom d’une pipe, ça lui va vraiment bien ! Oubliez les illustrations qui vous seront passées récemment sous les yeux, aucune à ma connaissance ne restitue la nuance vert-gris que nous avons découverte au déballage. Nous avons d’ailleurs nous même du chercher longtemps une lumière qui permette d’en rendre compte à peu près correctement. Ce vert-gris ou gris-vert, c’est selon, est beaucoup moins flash que dans toute la communication vue sur les réseaux sociaux ces dernières semaines. Et c’est tant mieux car cela rend cette teinte plus facile à intégrer.
Une particularité de cette compacte deux voies est qu’elle mixe la technologie des HP basse et medium de ses grandes sœurs au format colonne. Et donc si le tweeter est le même, le haut-parleur de basse-medium utilise à la fois l’aimantation puissante des HP basse des colonnes et la technologie TMD (avec amortisseur de suspension) des HP medium expliquée plus haut. Pour un résultat remarquable. Elle n’est arrivée que hier au magasin mais dès le déballage elle a assuré un niveau de prestation remarquable et sans aucun doute supérieur à son excellente devancière, l’Aria 906. Quelle facilité, quelle définition souple, quel espace, c’est déjà un pur plaisir sans le moindre rodage…

Quant aux Aria Neo X N°4, que dire…, elles ont sans doute besoin d’évoluer encore après seulement quelques heures d’écoute, mais le travail réalisé par les ingénieurs de Focal est plus que perceptible, il est évident. Ces enceintes sont tellement bien conçues à la base et abouties davantage encore dans cette nouvelle génération. Ce sont des produits qui sont destinés aux amateurs de musique qui non seulement apprécient les qualités traditionnelles qu’on est en droit d’attendre d’une paire d’enceintes de bonne facture, en terme d’équilibre et de précision mais plus encore espèrent une expérience qui les transcende, jouissive par son impact et généreuse par sa large présence. Grandeur nature, simplement dit ! Des qualités que des produits de dimensions plus modestes ne peuvent qu’esquisser. Mais bluffer en deux temps trois mouvements est une chose, convaincre longtemps est une autre histoire, et c’est là que la maîtrise d’un fabricant d’une telle envergure et d’une telle expérience prend tout son sens.

Comme toujours, les mots sont bien impuissants pour décrire de telles sensations, c’est pourquoi nous vous invitons à expérimenter et à comparer les produits qui vous tentent en théorie pour vous en faire une opinion toute personnelle, la seule qui importe.