Il arrive qu’on ne sache pas très bien par quel bout commencer… Des impressions contradictoires… non, ce n’est pas ce que je veux dire, pas contradictoires mais paradoxales, qui vous embrouillent dans un premier temps et ne vous laissent pas la possibilité de classer le produit instantanément et confortablement. D’habitude, vous êtes rapidement rassuré parce que vous l’avez compris, noté, catégorisé, bien épinglé à sa place dans vos tiroirs mentaux, dont vous saurez le sortir à bon escient pour répondre à la demande d’un éventuel amateur. Assurément pour moi, l’Atalante 4 émarge à cette catégorie plus insaisissable, mais cela n’a rien de désagréable, c’est juste inhabituel, intriguant et pour tout dire assez excitant.


Déballée et mise en place au plus froid de cette première quinzaine de février après un stockage dans des entrepôts à peine chauffés, elle nous a gratifié pendant les premières heures d’une fermeture sonore tout à fait remarquable, comme pour nous dire vous n’avez aucune pitié laissez moi m’adapter un peu « wenn’s bliabt » ! (C’est de l’alsacien, sa région d’origine, pour dire s’il vous plaît.) Ok, ok, calme toi que je lui ai répondu, c’est vrai qu’on n’est pas aux pièces, c’est juste qu’on ne peut pas s’empêcher, on est toujours excités comme des gamins quand la famille s’agrandit. Et c’est un sacré bébé que voici, qui se positionne entre la compacte Atalante 3 et la généreuse Atalante 5. L’ébénisterie à proprement parler mesure 1,13 m. de haut pour une largeur d’environ 0,25 et une profondeur de 0,30. Mais comme elle est rehaussée de pieds support non négligeables, elle culmine à 1,20 m. Difficile à escamoter donc… Mais une fois de plus il faut admirer le travail de design dans sa globalité et dans ses détails. Il est évident qu’il n’y a là rien à cacher, bien au contraire. Nous avons choisi notre modèle de présentation en finition « ébène », finition magnifique aux accents rouge sombre et au veinage étroit et rectiligne qui contribue à affiner sa silhouette. Une finition très « revival », tout autant que le noyer bien connu, comme on savait les faire durant l’âge d’or de la hifi. Mais les détails ne trompent pas, le travail est aussi empreint de modernité et de subtilités qui doivent être à la fois un défi et une fierté pour les ébénistes qui l’ont réalisé. – Petite pause ici pour vous détailler ce que j’entends par âge d’or de la hifi. Il s’agit d’une période que je ne veux pas tant situer dans le temps (en gros des années 60 aux années 80) mais plutôt dans l’effervescence qu’elle a a représentée pour deux générations d’amateurs de musique qui n’avaient qu’une seule chose en tête dès la perception de leurs premières payes : investir dans du beau et bon son afin d’assouvir leur appétit pour la production musicale qui bouillonnait à l’époque.- Exactement le genre de fièvre que prétend ressusciter la marque. Plus de commentaires à ce sujet ici.


Techniquement, les composants sont connus…enfin, c’est une façon de parler, connus parce que déjà vus sur les 5 et les 3 du moins en partie. Mais il ne faudrait pas oublier pour autant que le sandwich de basalte est une première dans l’industrie de l’audio et que le 13 cm qui sert à reproduire les fréquences moyennes sur cette colonne est une nouveauté. Les deux 17 cm qui gèrent les basses fréquences utilisent ce même matériau. Quant au tweeter, s’il donne l’impression de ressembler à d’autres modèles en soie, il est lui-même tout à fait unique en son genre. Par exemple, sa fréquence de résonance est située à 650 Hz, alors qu’il n’entre en action qu’autour de 3000 Hz. L’intérêt d’une telle bande passante est qu’il fonctionne dans sa plage la plus favorable, là où ses caractéristiques sont le mieux mises en valeur. On a donc quatre composants, diffusant trois voies. Reste donc à les filtrer pour assurer la répartition du travail entre elles de la manière la plus discrète et la plus transparente et escamoter pour l’auditeur ces trois voies comme si l’ensemble était diffusé depuis un composant unique. Le seul juge de la qualité d’un filtrage réussi sera votre oreille, mais si l’on se fie à la sensation d’ouverture (enfin apparue les jours suivant le déballage), il est de premier ordre. C’est marrant quand on écrit comme on emploie des mots qui, une fois relus, peuvent être à double sens. Je voulais dire de la plus haute qualité, mais il se trouve qu’en acoustique le filtrage entre plusieurs voies est en effet désigné comme étant du premier, du second, du troisième ou du quatrième ordre, selon que la pente de croisement entre les deux composants est de 6, 12, 18 ou 24 dB par octave. C’est le choix des concepteurs d’effectuer une transition douce sur une longue plage de fréquence ou plus abrupte sur une plage de fréquence plus étroite. Je vais être franc, je n’ai pas d’information sur les choix de Revival Audio concernant son filtrage. C’est une matière complexe et l’écoute doit sans arrêt corroborer les mesures lors de nombreux aller-retour pour peaufiner cette opération essentielle pour fusionner les différents registres. Revival résume très bien son approche, autant utiliser leurs propres mots : « Notre philosophie de conception de filtrage est que… nous n’avons pas de philosophie. Nous utilisons le moins de composants possible, mais tout ce qui est nécessaire. » C’est là que l’expérience joue à plein et autant la marque est jeune, autant les hommes derrière les produits ont accumulé une énorme expérience. En effet, l’essentiel au-delà de la compétence technique, c’est de savoir ce que vous cherchez, sinon, évidemment, vous ne le trouverez pas. Si vous savez quoi faire pour régler un problème, un détail, un « truc » qui ne vous convient pas parfaitement en tant qu’ingénieur, c’est parce que vous avez une idée très exacte de ce que vous souhaitez obtenir. Vous ne pouvez donc pas vous « contenter » d’être ingénieur, vous devez également avoir le même genre de fibre artistique qu’un musicien qui peaufine l’œuvre qu’il répète jusqu’à obtenir l’expression dont il a rêvé ou en tout cas s’en approcher au plus près. C’est la même chose pour un plasticien qui sait, qui sent quels derniers coups de pinceau ou de burin appliquer pour pouvoir se dire : c’est fini, je suis là où je voulais être dans ma tête quand l’idée de ce projet m’est venue. Cela fait, et cela fera toujours la différence entre le bon et l’exceptionnel. Vous avez compris dans quelle catégorie nous classons les produits de Revival Audio.


Et pourtant, comme expliqué plus haut, notre premier contact avec l’Atalante 4 était un peu froid. Certes, le déballage a été un beau moment parce que les produits sont impeccablement emballés et protégés et qu’une fois exposés à la lumière, nous avons eu le plaisir de découvrir de près cette très belle finition ébène que nous n’avions pas encore approché. Mais en nous précipitant pour les faire chanter, nous les avons brusquées. Imaginez-vous un peu : vous êtes régisseur à l’opéra, vous entrez sans frapper dans la loge de Nathalie Dessay qui se repose avant la représentation et vous la réveillez en la secouant sans ménagement. Allez hop ! En scène ! Désolé j’ai oublié de vous prévenir, la représentation a été avancée, ça va déjà être l’air de la reine de la nuit ! Et la pauvre, à peine sortie des bras de morphée, sans échauffement, se voit poussée sous les projecteurs, échevelée et cramoisie pour entamer un des airs les plus périlleux du répertoire. (Je suis certain que quelques divas ont dû faire ce cauchemar…) Eh bien voilà le traitement que nous avons infligé à cette pauvre Atalante 4, sans public il est vrai. Elle n’a pas rougi puisque c’est déjà sa couleur à la base, mais assurément elle manquait d’échauffement. Et nous l’a fait savoir en nasalisant comme une vieille chanteuse de Country texane (…non, pas d’exemple précis en tête). Mais la bonne nouvelle, c’est qu’elle ne nous en a pas tenu rigueur et quelques jours plus tard, elle nous a gratifié de ses plus jolies trilles, un vrai pinson !


Et si nous creusions un peu plus sérieusement ces sensations d’écoute en clair-obscur, cette perception paradoxale qui m’a poussé à utiliser ce titre.
Claires, c’est certain, elles le sont. Jamais la scène sonore ne pourrait être aussi immense si ce n’était pas le cas. En aucun cas les voix et les instruments ne ressortiraient avec cette matérialité et ce détourage à vous faire dresser les cheveux sur la tête si elles manquaient de détail et d’articulation. Le moment où le premier mot sort de la bouche d’un interprète est magique, même quand vous avez entendu le morceau des centaines de fois.
Mais elles sont également rondes, douces, chaudes et profondes, vraiment très profondes. Elles vous baladent du grenier à la cave, dans les entrailles, les substrats qui tapissent les coins les plus obscurs des abysses musicales, c’est en cela que l’obscurité m’a paru le mot le plus adapté. Vous allez me dire que si on met l’obscurité en lumière, alors ce n’en est plus… C’est vrai et c’est ce qui est paradoxal. Certaines enceintes sont douces mais un peu confuses dans les registres grave et extrême grave. Les Atalante 4 exploitent ces profondeurs avec une sacrée ampleur mais aussi une finesse qui permet, par exemple, de distinguer très facilement les notes d’une basse électrique même lorsqu’elles sont doublées par des impacts de grosse caisse. Ou encore de ne jamais confondre le pédalier d’un orgue avec les notes soutenues des contrebasses. Elles sont donc très chaudes et très fines, très profondes et très rapides, très vives et pourtant apaisantes, bref un paradoxe sur pattes (4, et de belle facture). Mais un parfait exemple de savoir-faire dont le tarif autour de 4000€ la paire est très doux compte tenu de leur niveau de performance et de fabrication.
Bon alors on oublie les grandes sœurs les Atalante 5 ? Après ce discours plus proche de celui d’un amoureux transi que d’un professionnel de la hifi, on peut conclure qu’on est est en présence de la parfaite synthèse, non ? Et la petite sœur, la 3, pour les orties elle aussi ? Jamais, au grand jamais ! Vous pensez bien que la réussite de ces Atalante 4 ne vient pas de nulle part et sûrement pas d’un heureux hasard. Les 5 sauront exprimer plus de pureté et de profondeur dès les volumes les plus modérés. On sent à cet égard que les 4 exigent un peu plus d’intensité pour s’exprimer. Les 3 sont des deux voies compactes mais stupéfiantes de générosité, d’ouverture et d’homogénéité, sachant exprimer leurs qualités dans des espaces plus limités. Dans tous les cas, la musique en sort à la fois grandie et simplifiée, accessible et complète. Chacun se forgera son intime conviction, mais nous pouvons sans empiéter sur votre libre arbitre vous assurer que la nôtre est fermement favorable. Vive Revival, vive la musique !