La vie en Rose RS151

Hifi Rose. Quel joli nom, non? En fait, eux-mêmes s’appellent Rose tout court, mais comme il est délicat de s’approprier un tel nom pour soi-seul, il fallait bien lui en accoler un autre, et tant qu’à faire autant préciser son domaine d’activité. Ce joli nom, presque universel, qui évoque la fleur la plus connue au monde, dont les variétés de couleur et d’aspect sont pratiquement infinies, est un choix singulier pour une marque de produits haute fidélité. Se donner pour objectif d’atteindre la perfection dans la forme et dans les nuances pour être à la hauteur d’une des créations les plus raffinées de dame nature, façonnée à l’infini par la main de l’homme, est une profession de foi audacieuse et ambitieuse. En soi, c’est déjà quelque chose ! Mais on le sait, les coréens regorgent d’ambition et de créativité et possèdent des qualités dans le domaine de l’ingénierie qui ne font plus doute pour personne de nos jours. Rose est une marque jeune pour ce qui concerne son immersion dans le monde de la musique. Par contre, la société Citech, dont est issue la marque, créée dans le milieu des années cinquante, est active dans l’industrie des décodeurs vidéos d’abord, puis dans le domaine des produits et services d’affichage électronique, en particulier dans le domaine collectif et commercial (avec une spécialisation toute particulière dans les écrans tactiles et les softwares qui permettent de les piloter). Active donc dans des milieux professionnels qui ne supportent pas l’à peu près et exigent une fiabilité et une endurance sans faille. Mais pour se lancer dans la folle aventure de l’audio haut de gamme, secteur high tech peu rentable par excellence, il faut être un peu givré, ou au minimum extrêmement passionné. Ce qui est de bon augure pour la qualité des produits. C’est donc par passion pour le beau son et fort d’une longue expérience que Mr Sean Kim, le patron, et nombres de ses collaborateurs très mélomanes, ont investi du temps, des compétences et de l’argent dans la création d’un amplificateur/lecteur réseau plus élaboré que ce qui était disponible sur le marché à l’époque (vers 2016-2017). La réussite et les bénéfices de leur business principal ont permis de le faire d’emblée de façon très aboutie. Ce qui marque dans leurs productions est précisément la présence d’écrans inhabituellement dimensionnés. Et pour ce qui est du pilotage tactile, on verra que le savoir-faire de la marque en la matière saute aux…doigts. Et on se souviendra que, de la même manière qu’on commence à manger avec les yeux, on fait tout pareil avant d’écouter, et voilà pourquoi le visuel des produits nous impacte tant. Et si en plus on manipule une interface visuelle, cela touche alors à l’essentiel…

…Mais n’allons pas trop vite en besogne. Après tout, nous parlons de produits conçus pour l’écoute de la musique, et il n’est pas question ici de sacrifier les performances qui nous intéressent bien davantage encore que les prouesses dans le domaine du style. Cela fait un moment déjà que la marque nous intrigue. Le secteur de l’électronique haute fidélité a beaucoup changé ces 15 dernières années. Et dans le domaine précis de la musique dématérialisée, il est possible que la jeunesse constitue un avantage ou en tout cas ne soit pas un handicap. C’est en tout cas avec un zèle maniaque doublé d’un sacré culot que la marque a déboulé sur le marché il y a moins de 10 ans ; tout d’abord avec un ampli/streamer puis avec des streamers séparés, des amplificateurs séparés, des DACs et même des tout-en-un avec enceintes intégrées. L’appareil qui nous intéresse aujourd’hui est le RS151, un lecteur réseau avec convertisseur intégré de haut niveau doté de tout ce qui est propre à la marque à la rose, ultra ambitieux et raffiné, fabriqué de façon luxueuse mais assez sobre pour qui accepte qu’un appareil/écran puisse l’être (écran dont la haute qualité d’affichage est très difficile à restituer sur nos clichés). Le déballer, le sortir de sa housse et le prendre en main est en soi une sacrée expérience. Quelle précision dans l’assemblage ! Quelle classe ! Même le panneau arrière est le reflet de cette fabrication d’excellence. L’organisation, la qualité des fiches et du montage font plaisir à voir, c’est remarquable. Et les photos « aériennes » disponibles sur le site de la marque démontrent sans ambiguïté que la qualité ne s’arrête pas au châssis mais se prolonge dans les circuits internes. Certains pourraient dire, à juste titre, qu’à 4.799€ ttc c’est le minimum que l’on est en droit d’attendre. C’est évident à nos yeux, mais cela ne signifie pas que ce soit toujours le cas chez tous les fabricants… Certains d’entre eux sont incapables de produire (ou assez souvent de faire produire) cette qualité à un prix approchant, ou même à n’importe quel prix.

Passons aux fonctionnalités du produit et survolons rapidement tout ce qu’un lecteur réseau bien né est capable de proposer : accès aux plateformes de streaming telles que Qobuz, Tidal, Apple Music, Spotify et bien entendu une multitude de chaîne radios en provenance du monde entier… compatibilité Roon et Audirvana, AirPlay2 et compatibilité DLNA via disque dur SSD/HDD attaché ou en externe via le réseau avec un NAS, tout cela est relativement classique de nos jours. Vous pouvez bien entendu aussi relier toutes sortes de composants via tout type de liaison numérique pour profiter du DAC de haute volée intégré dans la machine, en liaison optique, coaxiale, AES-EBU, USB, HDMIe-arc et même en analogique sur RCA, mais cela également, aussi pléthorique que cela soit, c’est du déjà vu. Il est même possible d’intégrer 1 SSD jusque 4To pour ‘ripper’ sa collection de CDs en utilisant un lecteur proposé en option. Mais ce qui est vraiment moins classique, c’est la possibilité offerte par le RS151 de devenir le décodeur de vos perles audio-visuelles, films, concerts et autres documents vidéos, en assurant le décodage audio ET vidéo ! Là on commence à sortir de l’ordinaire. Rappelez-vous, la marque a longuement travaillé dans le domaine des décodeurs TV, câblés et satellite, donc le décodage des signaux audio-visuels, c’est dans leur ADN, ce qui signifie que vous pouvez y connecter disque dur, NAS ou clé USB et profiter d’un son très haute définition sur votre chaîne et d’une image en 4K sur votre téléviseur/projecteur/moniteur. Et cela ne s’arrête pas là… Car Rose a développé sa propre app, « RoseTube », qui vous permet de puiser dans les inestimables collections de YouTube sans pub, à vie (!!) et d’écouter cette mine d’or sans limite en appréciant un son restitué au maximum de son potentiel tout en jouissant de l’image, soit sous forme de vignette sur le magnifique écran frontal de l’appareil, soit au maximum de sa qualité sur votre écran de télévision. Là, on touche au cœur de ce qui constitue la typicité unique de Rose. C’est, selon nous, du génie. Certes on trouve de tout sur YouTube en matière de contenu ou de qualité, mais essayez d’imaginer que tout cela vous soit accessible, sans nécessairement allumer un ordinateur ou une télévision, sans même avoir à manipuler un smartphone ou une tablette, et en obtenant à la demande une quantité abyssale de concerts, d’archives disponibles nulle par ailleurs que sur cette plateforme dont la qualité d’encodage n’a cessé de s’améliorer. Les concerts, les clips, tout vous est accessible gratuitement et sans pub avec la plus haute qualité possible de nos jours, c’est vertigineux ! Des trésors de prestations live, jamais produites en format physique, des artistes en état de grâce lors de concerts filmés introuvables ailleurs, des réunions uniques sur scène de musiciens n’ayant jamais enregistré d’autres témoignages de leur collaboration, inutile de continuer la liste, impossible d’arriver au bout. La qualité des captations et des encodages peut varier évidemment, mais l’essentiel est ailleurs puisque vous avez la certitude d’exploiter tout cela au maximum de la qualité disponible.

Au moment de s’installer pour écouter après une rapide mise en service, comme souvent, un peu à cause d’un petit poil dans la main et beaucoup parce qu’à force de faire des associations supposées ‘non pertinentes’ entre appareils de catégories disparates, nous avons tout simplement posé le RS151 sur un amplificateur Rega Elex MK4, lui-même raccordé sur des Focal Theva n°3. Ces deux produits dans leur genre sont très réussis, mais ce n’est pas via une telle combinaison qu’on est censé éprouver le plein potentiel d’un engin aussi ambitieux que le Rose RS151. Cependant, dans notre domaine comme dans bien d’autres, se référer systématiquement aux mêmes expériences a aussi des limites, et les belles surprises peuvent nous tomber dessus sans prévenir, il faut simplement accepter l’idée que rien n’est tout à fait écrit d’avance. Et franchement quelle surprise, quel choc en fait ! Nous nous sommes regardés Jérémy et moi, et nous avons tout de suite senti que ce choc était bien partagé. Comment ne pas parler d’abord du grave ? Des basses fréquences jouissives, un impact jamais entendu sur cette combinaison, une articulation, une vitesse d’établissement foudroyante… Les limites des deux produits associés repoussées à un point à peine croyable. Un beau grave c’est vraiment magnifique ! Ca raconte le rythme, le groove, l’intensité autant que la légèreté, l’espace aussi, qui s’en trouve élargi et approfondi. Franchement, impossible de ne pas commencer par cette qualité, car elle renvoie à cette partie de la perception musicale qui passe autant par le corps que par le cerveau. Nous nous sommes sentis ébranlés en quelque sorte par ces sensations car elles sont de nature à remettre en question ce qu’on peut attendre de certains systèmes. Nous n’avons jamais douté du fait que la source est essentielle dans un système, mais nous ne l’avons pas souvent éprouvé de façon aussi frappante. Peut-être à l’écoute de certaines platines vinyles haut de gamme…

J’évoquais la qualité de l’espace reproduit. Il ne bénéficie pas seulement de l’assise exceptionnelle dans les basses fréquences. Les nuances sur les voix et les timbres des instruments sont tellement subtiles qu’elles font prendre vie à chaque élément constitutif du tissu sonore reproduit. Et toujours ces transitoires à la fois foudroyants et raffinés. C’est exceptionnellement maîtrisé et cela donne à la fois une parfaite compréhension de chaque élément du paysage sonore et la perception qu’il s’agit d’un tout, joué par des musiciens à l’unisson, connectés les uns aux autres pour produire le meilleur d’eux-mêmes. Pas question de froideur donc, de l’ultra définition mais sans aspect clinique. L’aigu est d’ailleurs très fluide et quoique détaillé il ne s’impose pas. Le son des cymbales ‘ride’ est plein, riche, mais surtout très bien intégré, sans ce détachement qui parfois vous fait repérer « de l’aigu » qui flotte en suspension, comme déconnecté du reste des percussions. Le clavecin, instrument complexe à reproduire, est d’une homogénéité parfaite, j’ai presque envie d’écrire qu’il dégage une certaine sensualité ; je me rends bien compte que cette qualité est à peu près la dernière qu’on attribuerait à cet instrument, mais c’est absolument conforme à ma perception à travers le RS151. Cet instrument peut tellement différer d’un exemplaire à l’autre, d’une prise de son à l’autre, que c’est un peu vain de prétendre parler du son d’un clavecin comme s’il s’agissait d’un son de référence que tout le monde se représente aisément. Il peut en tout cas avoir la réputation de fatiguer assez rapidement les oreilles des mélomanes. En passant d’un interprète à l’autre et d’un compositeur à l’autre, on est frappé par l’infinité de nuances que ce lecteur est capable de proposer. La charpente du son, liée à la structure de bois de l’instrument, est présente et crée un équilibre magique entre profondeur et articulation. Un autre exemple de la grande qualité d’équilibriste de ce produit ? L’album ‘Récit’ de Salomé Gasselin, jeune gambiste française qui, suite à un coup de foudre pour le merveilleux orgue de l’église Saint-Maximin de la Sainte-Baume dans le Var, a souhaité confronter sa viole de gambe toute modeste à la majesté et à l’ampleur abyssale de cet instrument aux proportions démesurées. Outre le fait que le résultat est parfois bouleversant sur le plan musical, il faut entendre à quel point la viole existe dans toutes ses nuances sans que la prise de son ait besoin de minimiser l’orgue pour lui faire de la place. Le RS151 maîtrise cet équilibre impeccablement, c’est la grande classe !

N’y aurait-il donc aucune épine sur cette Rose ? Détrompez-vous, il en existe une au sens premier du terme, attention les doigts ! Le très joli logo de la marque est taillé dans l’épais châssis d’aluminium en plein centre du panneau supérieur, c’est une jolie touche visuelle, mais vraiment, ne vous avisez pas de caresser distraitement ce panneau à la hauteur du logo car ses arêtes sont particulièrement acérées. Ce geste, tellement naturel quand on veut éprouver la qualité d’une finition, pourrait être assez douloureux et occasionner une estafilade (pourquoi dire coupure quand il existe un si joli mot ?), il faudra s’en souvenir et ne pas le laisser à portée de petites mains innocentes.

Quand on n’a que cela à reprocher à un produit, il est clair qu’on est tombé sous le charme. C’est en effet le cas, et l’exemplaire que nous a gentiment prêté l’importateur ne quittera plus le magasin. Nous le conservons et l’associerons tout prochainement à l’amplificateur intégré RA280 qui va nous parvenir et dont nous attendons beaucoup sachant que ce sont les mêmes botanistes musicaux qui l’ont élaboré avec le même souci du détail et le même tempérament. Peut-on former un bouquet avec 2 roses ? D’autres produits suivront, mais ne perdez pas de vue que la Rose est la seule fleur qu’on peut offrir à l’unité sans que personne n’y trouve à redire, bien au contraire, car une seule rose peut raconter tant de merveilleuses histoires…