Comme certaines dynasties, certains produits perpétuent une tradition. Je ne vais pas ici m’engager dans un débat sur la royauté, rassurez-vous, mais plutôt affirmer le bon côté d’une certaine continuité : « never change a winning team », disent les anglo-saxons, alors pourquoi inventer de nouveaux noms alors que précisément celui qui a toujours été définit le mieux à la fois le concept et la fierté d’appartenir à une ancienne lignée. Ajouter un petit mk suivi du numéro de génération n’est pas le fruit d’un manque d’imagination mais bien l’affirmation d’une tradition revendiquée. Cela permet par la même occasion de se rappeler qu’un héritage, cela s’entretient, si on veut rester à sa hauteur.
Pour situer le contexte de notre expérience avec ce Brio septième du nom, nous venions de passer deux petites semaines à écouter et faire écouter notre système « 30ème anniversaire » d’une valeur de plusieurs dizaines de milliers d’euros, avec des enceintes conséquentes, pour ne pas dire considérables, des blocs monophoniques de 450 watts ainsi qu’une platine vinyle de très haut niveau, écoutée à travers un préampli MC d’exception. Autant dire que nous étions prêts à tomber de haut lorsque nous avons mis ce demi-portion sous tension… Évidemment, autant vous le dire tout de suite, ce n’est pas ce qui s’est produit. D’ailleurs, quel serait le sens de notre métier si la musicalité et le plaisir de l’écoute étaient seulement réservés à quelques privilégiés fortunés. J’ai toujours été convaincu que chaque catégorie de produit, y compris les plus modestes radios de table ou enceintes Bluetooth, recelait des petites merveilles, des réussites quasi miraculeuses qui transcendent complètement leur valeur pécuniaire. Je viens d’écrire ‘miraculeuses’ mais s’il y a bien une chose que je retiens après tout ce temps passé à écouter de la musique, c’est que jamais rien n’est miraculeux, à part bien sûr l’inspiration des artistes. Il y a toujours derrière les plus grandes réussites, du talent (quand même un peu), du travail (énormément) et beaucoup d’opiniâtreté. Les écueils de tout type ne manquent pas et quand une marque arrive à se développer et à fêter son 50ème anniversaire, cela ne doit rien au hasard. Rega est de cette trempe, et si ce sont ses platines vinyles qui viennent d’abord à l’esprit des amateurs de bon matériel, cela fait bien longtemps que la marque s’est diversifiée pour produire des amplificateurs, des lecteurs CD et des enceintes de très grande qualité. La preuve avec cette septième génération de leur amplificateur intégré « Brio« .
De temps en temps pour être certain de bien comprendre le sens d’un mot, rien de tel que de consulter le dictionnaire ; voici ce que signifie brio : aisance, allant, ardeur, entrain, fougue ou pétulance. Plus particulièrement concernant une partition musicale, l’indication ‘con brio’ requiert une exécution exprimant l’entrain et l’éclat. Tout un programme ! Revenons au contexte décrit plus haut. Une fois déballé, cet appareil compact (21,5 cm de large, c’est-à-dire la moitié de la largeur standard en haute fidélité) pèse moins de 5 Kg et sincèrement, cela n’a rien d’un défaut. Cela nous fait des vacances en quelques sorte, après avoir remballé les blocs mono évoqués ci-dessus. Un ampli compact peut trouver une place plus facilement qu’un congénère de format classique, c’est bête à dire mais cela peut venir à point quand on en manque. Visuellement, il propose l’allure assez sobre qui caractérise l’ensemble des productions de la marque. Le Brio précédent exhibait encore une face « à l’ancienne ». C’était le dernier de la gamme à ne pas s’être conformé à la nouvelle présentation ; le voilà donc stylé comme ses frangins, cadre acier noir épais autour d’une face avant en retrait noire également mais en acrylique brillant. J’ai toujours adoré le logo Rega en toutes lettres qui s’illumine en rouge à l’allumage, comme de la lave dans la nuit, annonciatrice d’une prochaine explosion… de notes et d’un feu d’artifice musical. D’accord, ce sont des choses futiles, mais il y a des détails qui font mouche chez certains, dont je fais partie. Si l’on jette un œil à l’opposé, côté arrière, on repère des borniers enceintes robustes et (enfin !) disposés logiquement gauche à gauche et droite à droite et non plus comme avant gauche en haut et droite en bas. Merci ! Côté entrées, la n°1 est et restera toujours, consacrée à la platine vinyle, LA source à qui Rega doit son histoire et sa pérennité. Ensuite, on trouve 3 entrées ligne et pour la première fois sur un Brio, deux entrées numériques, une coaxiale digitale et une optique, qui permettent d’utiliser le DAC intégré, d’origine Wolfson. Là aussi, la marque expose l’originalité de ses choix guidés, non par les tendances, mais par ses convictions. On y reviendra. Et c’est tout… Pas de récepteur Bluetooth, pas de sorties de pré amplification ou pour subwoofer, et encore moins de connexion réseau. Cet amplificateur sera donc réservé à des amateurs qui savent ce qu’ils cherchent et qui assument leur choix : une puissance raisonnable mais capable de s’exprimer dès les plus faibles volumes d’écoute, une expressivité très supérieure à la moyenne, une simplicité à l’usage qui évite de se poser des questions inutiles ainsi qu’une personnalité sonore typée et surtout terriblement communicative et attachante.
L’écoute des vinyles est tout bonnement extraordinaire, nous avons adoré l’association avec la Planar 2 équipée de la cellule Rega ND3 (749€ ttc). Cette nouvelle gamme de cellule ND mériterait tout un article à elle seule, tant elle a surpassé la gamme qu’elle remplace et tant elle s’avère un premier choix pour quiconque souhaiterait faire évoluer sa platine, peu importe la marque. Mais revenons à l’association avec le Brio mk7. Celui qui arriverait à ne pas battre la mesure en rythme avec la musique reproduite serait bien insensible, c’est tout bonnement irrésistible. Ce sens du timing, cette faculté à transmettre l’énergie, la vie du son et ce caractère extraverti et chaleureux à la fois, font mouche et emportent l’auditeur quasi instantanément, comme si on lui avait installé un siège plus près des musiciens et qu’il se mettait à « voir » ce qu’il entend, à comprendre les interactions entre eux et le plaisir qu’ils prennent à dialoguer au fil des morceaux. C’est ce côté « ici et maintenant » qui frappe par dessus tout. Tout le monde n’est pas forcément à la recherche de ce type d’expérience d’écoute, cela va de soi, mais pour qui aime cela, quelle générosité rare à ce niveau de gamme! Il va sans dire que l’écoute des CDs via l’entrée ligne est du même acabit, il est regrettable que Rega ne propose actuellement que des lecteurs haut de gamme comme le Saturn mk3 (2.599€ ttc) ou le Isis (à plus de 10.000€ ttc), car ils sont capables de proposer un produit meilleur marché, ils l’ont d’ailleurs déjà fait par le passé avec le merveilleux Apollo. Espérons qu’un successeur lui sera donné dans le futur. Mais le Brio mk7 offre de quoi patienter, en quelque sorte. En effet, deux entrées numériques, une optique et une coaxiale, permettent d’exploiter des sources dotées de sorties adéquates, en leur insufflant l’ADN de la marque. Ce DAC intégré au sein de l’amplificateur a une sacrée personnalité également. Le choix de Rega d’utiliser un convertisseur Wolfson plutôt que certains chipsets plus à la mode est assez révélateur du fait qu’ils opèrent toujours leur sélection sur la base d’un résultat, subjectif bien sûr, mais réalisé sur les critères qu’ils valorisent le plus, en ce compris le meilleur rapport qualité-prix-musicalité. Et le résultat est bien là. La personnalité de Rega s’exprime tout autant à travers ce DAC qu’à travers leur entrée phono. Je ne vous la décris pas à nouveau, je viens de le faire plus haut. Mais c’est complètement cohérent et extrêmement vivant. Je n’insisterai jamais assez sur le fait que ces qualités peuvent s’expérimenter dès les volumes les plus faibles. En effet, ce niveau d’écoute représente pour la plupart des amateurs de musique, la majorité de leur temps d’utilisation, quand ce n’est pas la totalité. Plus prosaïquement, Rega a doté ce Brio d’une fonction stand-by, une première sur un amplificateur Rega. Le seul intérêt de cette fonction est de pouvoir le mettre sous ou hors tension à distance, grâce à une nouvelle commande à distance compatible avec de futurs produits d’après le fabricant (un lecteur CD abordable par exemple ? Je croise les doigts).
Quoiqu’il en soit, voici Rega doté d’une large gamme d’amplificateurs cohérente à tout point de vue, dont le dernier ambassadeur est une superbe réussite. Comme toujours, votre oreille sera seule juge, les nôtres sont conquises !
