Nous avons déjà eu le plaisir de vous dire ici tout le bien que nous pensons de Pier Audio. Un peu trop souvent diraient certains…? Ce ne serait pas faux de le prétendre, mais quand on aime… Nous avons reçu cette semaine notre MS-88SE, pas exactement une nouveauté, mais une addition bienvenue à notre sélection des produits de la marque. Vous le savez si vous nous lisez de temps en temps, j’ai perdu l’habitude d’entretenir le suspense ces derniers temps : disons-le tout de go, la seule interrogation qui a subsisté en fin de journée c’est « qu’est-ce qui nous a pris de ne pas l’exposer plus tôt…? »
Passé le déballage (triple caisse, une en bois puis deux en carton !) et soulevés ses trente petits kilos jusqu’au sommet du rack où il a pris place, nous l’avons laissé prendre la température de la pièce pendant deux petites heures. J’en profite pour recommander cette précaution pendant la saison froide (tant qu’il en reste). En effet, les entrepôts sont généralement très peu chauffés et même lorsque votre appareil a passé une nuit ou deux chez nous, bien protégé à l’intérieur de sa (ses dans ce cas-ci) caisse, il peut encore être très froid dans sa robe de métal. Dans ces circonstances les électroniques peuvent générer à l’allumage un petit peu de condensation dont on devine qu’elle ne fera pas bon ménage avec les composants en train de chauffer. Les fabricants ajoutent en général un petit sachet de silicate dans l’emballage pour absorber l’humidité mais deux précautions valent mieux qu’une. Bon, le temps d’écrire ceci et notre petit poids lourd est devenu moins glacial. Il est temps de le mettre sous tension !
J’en profite pour glisser mon petit mais alors tout petit regret : pourquoi pas un témoin d’allumage ou de sélection de source ? Bien sûr, le rougeoiement des tubes électroniques est un indice certain du statut de l’appareil, mais sous certaines lumières ou à une certaine distance, cela devient moins évident. Vous me direz que si c’est mon seul grief, il est assez léger et je vous répondrai : c’est exact, n’en parlons plus. Si on parlait plutôt des sensations d’écoute ? Comment les qualifier ? Le premier adjectif qui me vient est troublantes. C’est à dire tellement révélatrices que c’en est troublant: on perçoit tant de nuances dans les timbres, tant d’air autour des instruments, tant d’harmoniques dans les dégradés de note ou les fins de phrases musicales que cela remet en question la connaissance que l’on peut avoir de certains morceaux repères.
Jérémy a envie de brancher une paire d’enceintes un peu plus haut de gamme et nettement plus exigeante que la deux voies avec laquelle nous avons entamé notre découverte. Son choix se porte sur les Bowers & Wilkins 704 S2, une colonne compacte avec laquelle nous avons parfois quelques difficultés d’association. Elle est transfigurée par le MS-88SE, nous ne l’avons jamais entendue aussi libre, ouverte et généreuse, en tout cas au magasin… Et après quelques morceaux supplémentaires, je dis à Jérémy que cet amplificateur est une véritable machine à expliquer la musique, qui me donne, comme un excellent professeur, l’impression d’être plus malin. Mais elle n’a rien de didactique parce qu’elle est aussi porteuse de la sensualité qui émane des musiciens et des interprètes. Et tout ça après 4 heures de mise sous tension seulement! Chez Pier Audio, ils recommandent un minimum de 10 heures de rodage pour les tubes…
La journée se passe, et le lendemain, nous recevons un DAC de très haute qualité à l’essai, le Atoll DAC300 Signature. Jusqu’à ce moment nous avons surtout utilisé l’excellent lecteur réseau Cambridge CX-Nv2. En passant à travers le DAC Atoll, c’est encore un autre monde qui s’ouvre à nous. Le système gagne une profondeur et une ampleur qui nous surprennent. Nous le disons souvent, ce qui n’a pas été révélé en amont d’un système, c’est à dire à la source, ne sera jamais entendu en aval à travers le couple amplification/enceintes acoustiques.
Négliger la source, c’est appauvrir l’écoute, et souvent le potentiel d’enceintes « modestes » se révèle très peu limité pour peu qu’on les alimente qualitativement. Par ailleurs, les locaux d’ écoute de petite taille ne devraient raisonnablement jamais accueillir des enceintes de fortes dimensions, afin de ne pas exciter des modes de résonances démesurés. Ces résonances sont comme des boursouflures sur certaines notes et pas sur d’autres, ils déséquilibrent complètement l’écoute et gâchent le plaisir. Ils sont inévitables, mais c’est leur ampleur qui peut « tuer » toute satisfaction. Donc, si rester proportionné dans la dimension des enceintes est un choix malin, rien n’empêche de se faire plaisir en enrichissant l’amont du système avec des produits dotés d’un potentiel de définition et de musicalité sans limite. Bien choisis, il amèneront une profondeur et un raffinement bouleversants.
La puissance annoncée pourrait induire en erreur : 48 watts par canal, cela peut sembler extrêmement conservateur. De fait, certains concepteurs d’amplificateurs à tubes n’hésitent pas à « tirer » bien plus de montages similaires et on pourrait penser que le MS-88SE est un peu timide sur ce plan. En réalité, le contrôle et l’énergie dont il fait preuve témoignent d’un très grand soin dans la sélection des composants, entre autre des transformateurs de sortie qui sont d’un niveau exceptionnel. Il suffit pour s’en convaincre de brancher à sa suite, son demi-frère le Pier Audio MS-880SE, dont seule la préamplification emploie des tubes et qui revendique une puissance doublée de 100 watts par canal. L’impression de coffre est tout à fait semblable et le raffinement du montage tout tube apporte quelque chose de plus subtil encore, avec un rien moins de rondeur et encore plus d’aération. Si le raffinement des timbres est votre priorité absolue, le MS-88SE propose un mode pure triode que l’on peut activer à la volée, en prenant soin de diminuer le volume tout de même, et qui, tout en diminuant considérablement la puissance utile, amène une chaleur de timbre tout à fait remarquable, presque liquide. Cet usage est sans doute à réserver à la musique acoustique, aux petites formations classiques ou jazz ou alors aux enceintes de très haut rendement qui n’ont besoin que de quelques watts pour s’épanouir. Ces dernières ne font pas partie de notre sélection à la Maison, je m’en expliquerai peut-être un jour ici, qui sait.
Le Pier Audio MS-88SE appartient sans nul doute à cette catégorie d’appareils qui sont des révélateurs, des transfigurateurs, des équipements qui changent tout. Pourtant il n’appartient pas au monde du « high-end », ce haut de gamme tellement onéreux qu’il est plus chic de le nommer dans la langue de Shakespeare. Certes il n’est pas bas de gamme, mais 2590 euros ttc pour ce qu’il est capable d’apporter dans un système, cela en fait un instrument de plaisir presque pas coupable… En démonstration si cela vous chante.