Kan ta 2 enceintes qui mettent neuf mois à arriver, le moins qu’on puisse dire, c’est que ta patience est mise à rude épreuve. C’est effectivement le délai expérimenté. (En réalité c’est un peu moins, mais c’est pour le bon mot… Tu vois ? Enceintes… neuf mois, … tu saisis ?! … Pardon, c’est la canicule et désolé pour le tutoiement !) Disons qu’un laps de temps certain s’est écoulé entre le moment où nous avons craqué pour ces belles, et le moment où elles sont arrivées. Et, contrairement à la tonalité de ce blog dont la sobriété n’est pas la première caractéristique, nous avons choisi de les exposer dans leur apparence la plus sobre, une magnifique finition noyer mat pour l’ébénisterie et gris foncé mat pour la face avant. Quatre autres finitions sont au programme, tendance plus chic ou plus discrète, permettant une intégration dans tous les types d’espaces.
En réalité, j’étais absent quelques jours lorsqu’elles ont été livrées, et Jérémy les avait déjà déballées et installées à mon retour. Et bien, croyez-le ou non, je ne les ai pas remarquées, alors que non seulement elles étaient disposées devant les autres enceintes, mais qu’en plus elles jouaient de la musique, en sourdine certes, mais tout de même… Elles s’intègrent donc très harmonieusement, dans notre décor en tout cas. Elles m’ont surpris par leur compacité, j’en connaissais les dimensions mais plusieurs détails au-delà de la sobriété de la finition ajoutent à cet effet (relatif évidemment) de discrétion et d’encombrement raisonnable. Elles sont vraiment très élégantes et elles camouflent très intelligemment leur gabarit. Par exemple, la face avant déborde un peu tant sur les côtés (+/- 10 mm) que sur le dessus (+/- 5 mm) de l’enceinte. De cette manière, l’œil perçoit une ébénisterie sensiblement plus étroite en arrière de la face avant. C’est peu de chose mais l’effet est flagrant. Le piédestal, déjà assemblé à l’usine, et qui fait furieusement penser à ceux de certains fauteuils bien connus dans le monde du design, apporte une touche d’originalité mais surtout de légèreté, en contribuant à donner un aspect élancé et aérien au produit. Ce faisant il en augmente la hauteur mais il en allège également la perception. Une autre astuce est que la profondeur maximale de l’enceinte n’est atteinte qu’au niveau du sol, car en s’élevant elle rétrécit progressivement d’environ 15 cm au niveau du tweeter et reprend un peu plus de profondeur à son sommet. Son profil n’est donc pas vertical et cette caractéristique la rend nettement moins massive qu’un équivalent parallélépipédique. La plaque de verre noire qui finit le dessus de l’enceinte agit comme un discret miroir en trompe l’œil, contribuant à minimiser la profondeur perçue, astucieux !
J’avoue que je lui trouve plus de classe encore en vrai qu’en photo. Il fallait de l’audace pour choisir un design qui a déjà tout d’un classique contemporain. Il faut reconnaître que la très large assise internationale et la reconnaissance mondiale dont jouit Focal rend sans doute la chose plus facile à décider mais cela n’enlève rien à leur mérite. Cependant ne nous trompons pas, tout ce que je décris ici comme des astuces de design relèvent avant tout de choix technologiques, de choix d’ingénieurs. Rien n’est gratuit et, sur le plan de la performance, tous ces choix ont des conséquences vertueuses. Voyons cela en détail.
La première chose qui frappe est bien entendu cette face avant, supportant des composants bien connus chez Focal, mais jamais associés encore avant cette série Kanta. Cette face est réalisée en une seule pièce moulée dans un matériau polymère 70% plus dense que le MDF et 25 % plus amortissant permettant un ancrage remarquablement inerte des haut-parleurs. La coque de l’ébénisterie en bois multi-plis est elle aussi moulée d’un seul tenant pour maximiser la rigidité et diminuer les résonances. L’ensemble est donc placé sur un piédestal en X qui permet d’assurer tout en légèreté une empreinte très large et très profonde, contribuant à « planter » fermement l’enceinte au sol. Ceci afin de limiter au maximum les mouvements de caisse parasites lors des impulsions sonores. Deux évents bass-reflex débouchent à l’avant et à l’arrière, contribuant à répartir les pressions à l’intérieur de la caisse et dans l’espace sonorisé, dans le but d’obtenir un grave à la fois plus libre et plus impactant. Les borniers de connexion à l’amplificateur assurent un serrage très puissant et sont bien entendu compatibles avec les fiches bananes ou les fourches. Fidèle à ses habitudes, Focal ne propose pas de double bornier. Cela en surprendra certains mais ils ont leurs raisons et préfèrent s’assurer que le filtrage de leur enceinte sera respecté sans expérimentation autre que le choix d’un excellent câble unique.
Venons-en aux haut-parleurs proprement dits : les deux HP de basses et le HP medium se ressemblent assez fort. Ils sont réalisés dans un sandwich fibre de verre/fibre de lin/fibre de verre selon une démarche chère à Focal et déclinée dans différentes techniques en fonction des gammes. La fibre de lin (qui a poussé dans des champs français) est une fibre végétale, la seule, qui a la propriété de n’avoir aucune élasticité. L’emprisonner à chaud entre deux couches de fibre de verre permet donc d’obtenir la rigidité recherchée mais aussi la déstructuration d’un réseau de fibres positionnées de façon aléatoire. Cela a pour effet de générer de multiples fréquences de résonance extrêmement faibles plutôt qu’une fréquence très marquée lorsqu’une membrane a un profil « parfait ». L’idée, comme toujours, est de définir le meilleur compromis entre légèreté, pour accélérer très vite à l’impulsion, rigidité pour éviter les déformations, et amortissement pour ne pas créer de résonances parasites. Cependant, les contraintes de HP medium ou basse ne sont pas les mêmes et des différences existent, visibles ou pas. La suspension est différente, cela saute aux yeux, constituée visuellement de deux petits plis (Focal y « pince » une épaisseur soigneusement calculée afin d’amortir le haut-parleur et de lui conserver toute sa clarté) afin que le medium soit très finement tenu. Une suspension en demi-rouleau beaucoup plus ample a été préférée pour les woofers afin qu’ils puissent pistonner sans entrave. Leur motorisation, calibrée pour leur rôle spécifique, est bien sûr la partie invisible, constituée d’aimants très puissants mais au champ magnétique très contrôlé, ce qui est capital pour assurer la précision recherchée. Comme on le dit souvent dans l’univers de l’automobile, la puissance sans le contrôle n’est rien, elle est simplement inexploitable…
Mais, à tout seigneur tout honneur, la pièce la plus impressionnante est aussi la plus petite : le tweeter, dont la membrane est constituée de béryllium, un matériau assez rare que très peu de fabricants savent usiner, et très délicat à manipuler. J’ai eu l’occasion de visiter les installations de Focal à Saint Étienne, il faut voir l’harnachement digne d’un cosmonaute que porte le personnel chargé du montage des tweeters Béryllium, les bras à l’intérieur d’une bulle en surpression… Ce matériau aux propriétés extraordinaires doit en effet être traité dans des conditions de sécurité très strictes. Les objets usinés (comme la membrane du tweeter) ne présentent aucun danger, mais la poussière chargée de particules de ce métal peut être toxique, d’où les précautions extrêmes prises pour protéger le personnel amené à les manipuler. Cela peut paraître un rien effrayant, mais quand on découvre l’exquise finesse des fréquences aigües reproduites par un tel tweeter, on comprend pourquoi Focal ne souhaite rien d’autre pour ses séries haut de gamme. Je ne vais pas ici me lancer dans le jeu des comparaisons, mais tout comme les très rares fabricants de référence dans le monde de la très haute fidélité, les fréquences aigües sont tellement détaillées et tellement fluides à la fois que le seul mot qui vient à l’esprit est « naturel ». Cela peut paraître un peu pauvre pour décrire un feu d’artifice de couleurs et de timbres mais c’est le mot approprié. Tout est tellement défini que le cerveau ne fait aucun effort, comme dans la réalité. Vous posez-vous des questions à propos des sons aigus dans la vie de tous les jours ? Moi pas… Ils sont là, ils participent à la perception de notre environnement mais nous n’y songeons pas en temps qu’entité sonore indépendante, pourquoi donc devrait-il en être autrement lorsque nous écoutons de la musique ? Cependant, quelle prouesse que de parvenir à ce résultat ! C’est très peu commun et, vous l’avez compris, cela ne doit rien au hasard.
D’habitude, pour trouver le haut-parleur medium, l’œil doit glisser légèrement sous le tweeter, or ici c’est l’inverse, le medium est en effet implanté au-dessus du tweeter et dans un plan différent, légèrement orienté vers la bas, à l’inverse des deux haut-parleurs de basse qui sont, eux, positionnés sous le tweeter et légèrement orientés vers le haut. Cette disposition n’est pas, à la base, un choix esthétique mais bien acoustique. Cela permet de faire converger les plans d’émissions sonores des trois voies pour créer une meilleure fusion des registres, notamment à moindre distance, en créant une image spatiale remarquablement intégrée et ouverte. Le cerveau de l’auditeur peut alors reconstruire sans effort une image de la scène sonore large et profonde. Sans effort, c’est vraiment comme cela que je perçois cette enceinte, et tout semble contribuer à cet effet. J’ai mentionné les deux HP de basses, les woofers : quel impact, quelle profondeur ! Je ne m’attendais pas à cela de la part de deux « simples » 16,5 cm… Vous savez sans doute que nous apprécions beaucoup les Aria 948, les plus balèzes de la gamme positionnée sous la série Kanta, dotées de deux HP basses de 20 cm. Et bien franchement, la profondeur et la présence du grave sur les Kanta 2 sont tout aussi convaincantes, mais avec un niveau de propreté et de nuance qui prouve bien que les aimants de ces woofers sont d’une autre trempe et que le travail sur la rigidité de la caisse apporte sa plus-value, sans discussion. J’ai mentionné le HP medium à propos de son aspect, de sa constitution et de sa position, mais que dire de sa signature sonore… Tellement nuancé, tellement incarné ! J’aime cette notion d’incarnation, car elle suggère la matérialité, du cuivre, du bois, des peaux ou des cordes et bien entendu de la chair, celle des interprètes, qui vibre à l’unisson de leur voix. Celle-ci est une colonne d’air qui prend sa source au plus profond des tripes et des poumons de celui ou celle dont elle émane et cette chair qui fait corps avec le son d’une voix nous émeut plus que tout autre son car nous la sentons jumelle de la nôtre d’une manière instinctive, sans pouvoir dire pourquoi un chanteur ou une chanteuse nous bouleverse à la première note… Romantique moi, allons donc !
Bref, encore une fois, profondément naturelle, la Kanta 2 pourrait vous en mettre plein la vue et les oreilles tant sa technique est aboutie, mais elle préfère être simplement le messager de toutes les musiques que vous lui donnerez à reproduire. Une parfaite interprète qui s’efface merveilleusement sur le plan musical mais s’impose élégamment et différemment sur le plan esthétique.
Bon sang, je crois que suis en train de tomber amoureux !