La Haute Fidélité pour les piétons

Notre époque nous suggère de retrouver du sens, du temps et de la convivialité, voire de la chaleur humaine afin d’échapper à l’aspiration d’un vortex d’immédiateté vertigineuse qui emporte tout et tous dans son sillage et dont on sait très bien qu’il ne mène pas vers l’infini et encore moins au-delà… Des mouvements comme le slowfood, le slow tourisme ou même le slow business ont essaimé depuis les années quatre-vingt et plus récemment sans doute en chacun et chacune, s’est immiscée une prise de conscience que c’est un mur bien dur qui nous fait face et que freiner paraît tout simplement un réflexe de survie raisonnable… Notre quotidien dans toutes ses dimensions échappe difficilement à certaines interrogations, peut-être pas toutes existentielles, mais dont certaines sont tout de même disons du genre où vais-je, dans quel état j’erre (sorry, pas pu résister) et plus largement où tout cela nous mène-t-il en temps que groupe ou en temps que société.

Alors là vous dites vous, jusqu’à présent j’avais des doutes, mais maintenant l’incertitude est levée, ce type fume des trucs. Certes ce n’est plus illégal, mais il n’a pas l’air de bien les supporter… Mais qu’est-ce que c’est que cette introduction ?! Où diable veut-il en venir…? On était quand même bien sur un blog hifi, non…?

Ce que j’essaye d’amener de cette manière, c’est l’idée du recul, de la nécessaire prise de distance, au moment d’être confronté à une problématique qui nous touche très personnellement, mais qui dépasse largement notre petit cadre quotidien. Il s’agit, en l’occurrence du projet « Slow Namur » (ça c’est un pléonasme dirons certains esprits taquins…) c’est à dire de la prochaine piétonnisation, prévue dès 2024, du centre de Namur, entre autre dans la rue où nous sommes installés depuis 27 ans. Quand je dis personnelle, c’est bien entendu tout relatif, des milliers, des dizaines de milliers d’habitants, de commerçants, de travailleurs ou de visiteurs du centre ville seront impactés par ce projet qui d’ailleurs n’en est plus un. L’affaire est pliée, votée et sa mise en œuvre planifiée, les travaux débuteront dès 2023, c’est-à-dire demain… Ce qui est personnel, c’est le coup de massue que chacun prend (ou pas d’ailleurs) en réalisant la chose. Ce qui est personnel c’est la façon d’y réagir, de se confronter à cette future réalité, car c’est sûr elle ne sera pas sans effet pour nous, petit commerce indépendant du centre ville. Et en même temps, c’est fondamentalement collectif puisque c’est tout un petit peuple humain qui va devoir changer ses habitudes et vivre avec ou en tirer les conséquences qui s’imposent et donc partir ou ne plus venir pour ne pas vivre avec…

Trop d’inconnues subsistent à cette heure quant aux modalités, au fonctionnement très concret de cet espace, cependant le concept est clair : les transports en communs, les transports de marchandises, la circulations des personnes, rien n’échappera à de profondes modifications. La question qui se pose pour nous est : qui va jouer le jeu ? C’est une expression naturellement, car tout cela n’a rien d’un divertissement… Qui est prêt à changer un peu, beaucoup ou pourquoi pas passionnément ses habitudes ?

Moi ? Je veux dire nous (pardon Jérémy) ? Vous ? Nous tous ? Lors d’une rencontre ce 19 septembre dernier, un workshop comme on dit en bon français, le projet nous a été détaillé un peu plus (mais pas trop quand même). Une étude prospective réalisée par un mastodonte de l’économie belgo-européenne, Tractebel, filiale d’Engie, nous a été présentée, faisant référence à des réalisations comme celles d’Utrecht, de Lille ou encore de Strasbourg. Vous remarquez ? Ils ont soigneusement évité d’évoquer Bruxelles ou Dinant par exemple… Bien sûr, il n’y a aucune raison de supposer à priori que le projet soit voué à l’échec. Il n’y a pas plus de motif de penser que les raisons qui ont engendré cette décision soient fallacieuses ou qu’elles ne soient pas motivées par une réelle pertinence et une bonne dose de sincérité. Nous savons tous que gérer les effets de la pollution, du réchauffement climatique, du sentiment d’insécurité, dans le désordre et à titre d’exemples, passera nécessairement par des changements de cap sérieux si pas drastiques. Personne ne souhaite fréquenter une ville sale, étouffante, insécurisante, vidée d’une grande partie de ses commerces (en particulier les plus spécialisés, antidotes à la monotonie, si je puis me permettre), laissant de nombreux trous béants dans le tissu immobilier… Mais bien entendu, personne ne souhaite non plus subir d’entraves rédhibitoires à sa liberté de circuler, personne ne désire élire une ville pour créer son foyer et s’y retrouver enfermé et privé des services qui ont motivé son choix… Le boom colossal des achats ou de la location d’appartements en ville ou à toute proximité nécessite d’une ville qu’elle puisse proposer tous les services qu’on en attend, en particulier lorsqu’on est une jeune famille ou que l’on vieillit et que la proximité de tous ces services est absolument indispensable, voire vitale. La ville se doit donc d’être organisée pour le plaisir, le confort et la sécurité de tous, c’est la clé de son attractivité à moyen et long terme.

Et si cela passe par un beau projet de piétonnisation pour le bien de tous et toutes, alors nous aimerions jouer le jeu. Ce projet est-il un beau projet, complet, inclusif, veillant à la possibilité pour chacun de s’y sentir bien et pour tous d’y vivre, d’y travailler ou d’y flâner en toute convivialité ? Franchement, trop peu de détails concrets ont filtré pour me permettre de m’en faire une opinion. Lors des rencontres évoquées plus haut, il est apparu clairement que certaines problématiques n’avaient pas été envisagées et qu’il était grand temps d’incorporer dans ce projet tous les aspects qui pourront en faire une réussite. Comme chacun je suppose, nous mettrons en balance les avantages et les inconvénients de cette nouvelle situation et s’il s’avère à l’autopsie qu’elle ne nous permet pas de nous épanouir ou tout simplement de survivre, l’instinct de préservation sera plus fort que tout et nous poussera à d’autres choix que le statu quo. J’insiste sur le fait que ce n’est pas, à priori, notre choix à l’approche de ce chamboulement et ce serait assurément la mort dans l’âme que nous devrions quitter notre Maison qui est aussi un peu la vôtre j’espère.

Nous ne nous défilerons pas, nous avons un sacré travail d’adaptation à accomplir, mais il sera complètement vain si le projet n’est pas suffisamment adopté par tous ses utilisateurs. Cela signifie certes que nous avons des choix personnels à poser pour s’inscrire dans ce nouveau fonctionnement, mais ne renversons pas la responsabilité de cette réussite. Les projets de ce type qui ont étés adoptés et validés ailleurs l’ont étés parce qu’ils étaient complets, intelligents, conviviaux, inclusifs et que les solutions anticipaient l’apparition des inévitables inconvénients.

J’adorerais, disons en 2025, arriver en sifflotant sur mon lieu de travail, rue de Bruxelles au numéro 6, en plein cœur d’une ville agréable, conviviale, sûre, célèbre pour sa beauté et sa richesse patrimoniale, riche d’une infinie variété de services et de plaisirs en tout genres, certain de passer la journée avec des clients ravis de faire la même expérience de Namur que nous-mêmes.

Si vous avez lu jusqu’à cette conclusion, tout d’abord merci, comme à chaque fois ! Nous serions par ailleurs très curieux d’avoir vos sentiments à ce sujet. Si l’envie vous prenait d’en parler au hasard d’une prochaine rencontre, n’hésitez surtout pas, nous serons toute ouïe. Promis, mon prochain article portera sur notre passion commune, la musique et les meilleurs moyens de la conduire jusqu’à vos oreilles…!