Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. Monsieur Pierre Corneille, monument de la littérature théâtrale française est le père de cette phrase joliment tournée, il en a produit au moins deux ou trois autres ;-)… Impossible de ne pas s’y référer pour vous parler de l’Atalante 5, le modèle qui coiffe actuellement la très jeune marque française Revival Audio. Je vais être moins subtil que le grand dramaturge : bon, en gros je m’appelle Atalante5 de Revival Audio, je suis charpentée comme un sumo, je vais vous montrer mes biscottos et aussi mon coeur gros comme ço ! (c’est pour la rime). Je pourrais ajouter : ça va saigner sur les tatamis, je vais pas m’faire que des amis… Mais vraiment là, ça suffit !
Par contre, et pardon d’avance, je vais tout de suite le dévoiler : il y a un truc ! Désolé de casser la magie, le fantasme d’une réussite insolente venue de nulle part, mais effectivement il y a une astuce. Concevoir des enceintes acoustiques capables de bouleverser des hiérarchies bien installées ne s’improvise pas. Et de fait, il n’y a pas d’improvisation, il y a une très longue histoire, au cinéma on dirait une « prequel ». Je ne vais pas m’étendre sur cette histoire, d’abord parce qu’elle a déjà été évoquée ici, mais également parce que vous pourrez en retrouver les grandes lignes sur le site de Revival Audio. Ce sur quoi j’aimerais m’appesantir, c’est la comparaison évoquée plus haut avec la tradition japonaise des sumotoris : la première impression, visuelle comme toujours, est forte : quelles pièces ! Mais rapidement, en prêtant attention plus attentivement, on se dit qu’elles sont subtiles aussi grâce à certains détails qui les raffinent, les allègent et leur donnent un aspect chic (rétro-chic bien sûr), comme cette fine séparation ton sur ton mais avec un fil inversé dans le placage noyer, ou encore ce logo pyrogravé au laser, inséré à la manière d’un cachet de cire. Séparer légèrement deux grilles en tissu chiné plutôt qu’en utiliser une seule de grande taille participe également à l’allègement de l’ensemble, relatif évidemment. L’inclinaison donnée aux enceintes par leur petit « rondin » support les oriente vers vous juste ce qu’il faut pour que vous ne pensiez plus qu’à une chose, vous assoir et vous placer pile dans l’axe, prêt à vous accrocher à vos accoudoirs et à encaisser le premier choc, comme notre ami le sumo voit son adversaire bondir depuis sa position ramassée et venir écraser sa masse contre la sienne. Et là c’est le miracle ! Au lieu de vous jaillir à la face comme vous vous y étiez préparé, les enceintes se mettent à danser, leur souplesse vous épate davantage encore que leur impact, car vous ne l’avez pas vue venir… Ces deux gros morceaux de bois sont pleins de grâce, de souplesse et de vie, exactement comme des sumotoris, massifs mais maîtrisant leurs mouvements, dansant d’un pied sur l’autre comme des ballerines sur pointes (ok j’en fais un peu trop, mais on ne se refait pas). Le combattant sumo ne gagne pas en raison de sa masse, mais parce qu’il la maîtrise et qu’il dispose d’une vitesse et d’une légèreté de mouvement supérieure à celle de son opposant. Mais les Atalantes 5 ne vous affrontent pas, elles conjuguent leurs talents pour créer des paysages sonores somptueux, à la densité spectaculaire et à l’ouverture sans limite. En détail, le grave, s’il s’avère le point fort (ou disons plus fort que sur de nombreux produits) des Atalantes 5 est avant tout remarquablement vif, tonique et nuancé. Et il procure ces impressions à des volumes raisonnables, ce qui est un atout pour l’écoute au quotidien. Un grave très beau et très ample, c’est la fondation d’une écoute agréable. C’est quand on a l’occasion de l’expérimenter que l’on réalise à quel point le fait de s’appuyer sur une telle qualité dans les basses fréquences transcende la totalité du spectre sonore… pour autant que la qualité soit présente à tous les étages évidemment.
Le choix d’un haut-parleur medium à dôme n’est pas le plus courant même si ce n’est pas une rareté non plus. Ce qui nous frappe, en tout cas, c’est que c’est ce registre qui définit la tonalité générale des Atalantes 5 et c’est en cela qu’elle vont plus loin que leurs petites sœurs les formidables Atalante 3, sans renier un air de famille certain. Est-ce que c’est le merveilleux grave qui permet à ce medium d’être tellement épanoui ? Quand on écoute un morceau de musique de facture traditionnelle avec quelques mesures d’introduction instrumentales avant l’arrivée du chant, on est ravi dès la première note, puis on est subjugué quand la voix se déploie! Nous n’avons pas encore démontré ces enceintes à de très nombreuses reprises, mais à chaque fois c’est pareil : un grand sourire fend presqu’instantanément le visage de l’auditeur quand ce n’est pas un rire franchement surpris. C’est l’effet d’un plaisir brut, foudroyant comme l’attaque du sumo, un plaisir aussi primaire que la première cuillerée d’une excellente mousse au chocolat, douce et généreuse comme le gros bidou d’un sumotori bien nourri (pléonasme me direz-vous). Effectivement, la cohérence est totale entre l’enveloppe en noyer chaleureux et lumineux de la bête et la consistance de ses timbres pleins et raffinés, sans la moindre trace d’artificialité. Et c’est exactement ce que les fréquences aigües du haut de leur tweeter à dôme tissu soyeux viennent déposer par dessus l’ensemble, impeccablement placées et ajustées comme le chignon de notre sumotori, ne perdant ni contrôle ni élégance quand plus bas la poussée est pourtant dantesque, frisant parfois le séisme. En regardant de plus près la fréquence de coupure choisie pour opérer la transition entre fréquences basses et moyennes, un détail me frappe : elle est placée à 450 Hz. Et alors, me direz-vous? Eh bien c’est quasiment à la hauteur du fameux ‘la’ du diapason étalonné à 440 Hz c’est-à-dire en plein milieu du clavier d’un piano par exemple, une fréquence hautement sensible pour l’oreille humaine… Cela en dit long sur le savoir faire de la marque en matière de filtrage. Il est absolument impossible de repérer la moindre bizarrerie dans cette zone très critique. Cela en dit aussi beaucoup sur la qualité du composant basse, le woofer employé par la marque. Encore une fois, je ne m’étendrai pas sur l’extrême originalité de sa conception (c’est une première dans le monde de l’audio) puisque c’est expliqué en détail sur le site du fabricant, mais c’est à ce genre d’innovation que l’on doit toute les qualités de précision, d’ouverture et de vitesse qui permettent une transition haut perchée si discrète, pour autant bien sûr que le filtrage respecte ce potentiel. La sensibilité de l’ensemble nécessite que l’amplificateur associé soit à la hauteur de la tâche et on évitera de tenter de les alimenter trop chichement. Notre sumotori lui aussi doit s’envoyer au strict minimum 5000 kcal par jour pour être performant, n’ergotons donc pas dans ce domaine. Mais au final, 89 dB de sensibilité, 4 ohm d’impédance moyenne, j’ai plutôt l’impression que ce n’est pas étranger à la performance globale de ces gracieuses pièces de mobilier. Car en exigeant de l’amplificateur qui les alimente qu’il « travaille » vraiment, qu’il montre un minimum ce dont il est capable, elles forcent le courant à circuler et la matière sonore se met à exister sans restriction, même sans monter « dans les tours ». J’ai déjà pu avoir par le passé, le sentiment que certaines enceintes de haut rendement, en exigeant si peu de l’amplification, étaient constamment sur le fil entre trop et trop peu, n’offrant qu’une marge très réduite de fonctionnement optimal. Nous n’avons d’ailleurs jamais souhaité en proposer à la Maison.
Petit retour en guise de conclusion sur le choix de l’art des Sumotoris pour illustrer cette paire d’enceintes. Je m’aperçois que cette comparaison orientalisante a ses limites évidemment, cependant il y a quelque chose de profondément zen, équilibré, sobre mais classe qui fait tout à fait écho à l’art de vivre en Extrême-Orient et au Japon particulièrement. Rien n’est tape-à-l’œil généralement dans cette culture et rien n’existe en vain. Si un objet est présent c’est qu’il a sa raison d’être et son utilité, prosaïque ou symbolique mais importante. Et s’il est nécessaire, il doit faire l’objet du plus grand soin dans sa conception et sa fabrication afin de faire honneur à la fois à son créateur et à son utilisateur. Une question de respect pour soi et pour autrui. Je suis convaincu que cette philosophie est à l’œuvre chez Revival Audio, consciemment ou pas. Un retour à l’essence de ce que doit être et peut-être même ne pas être une enceinte acoustique de qualité.