Nouveauté : Pier Audio MS-580SE

Dernière réalisation en date de la fine équipe du Loir-et-Cher, cet amplificateur intégré reprend le principe de l’amplification hybride, c’est à dire qu’il mixe tubes électroniques pour la préamplification et transistors pour la partie puissance. Il dispose de 3 entrées de niveau ligne, une liaison Bluetooth Aptx-HD et une entrée by-pass, c’est à dire dédiée à une préamplification externe, comme par exemple en provenance d’un amplificateur home-cinéma dont on voudrait améliorer la restitution pour l’écoute en stéréo. Tout simple donc, les amateurs de vinyles devront utiliser un étage phono externe ou une platine déjà préamplifiée. Au vu du nombre limité d’entrées, c’est sans doute une décision judicieuse. La gamme Pier Audio compte plusieurs autres amplificateurs hybrides ainsi que des amplis tout tube, généralement un peu plus chers et plus pointus, notamment pour ce qui concerne le mariage avec des enceintes acoustiques.

Les amplificateurs hybrides sont plus universels d’utilisation et peut-être aussi moins « effrayants », moins « ésotériques » pour le mélomane qui recherche la simplicité et un investissement raisonnable, tout en refusant l’aspect parfois fabriqué ou simplifié du son de certaines électroniques industrielles.

J’en ai parlé dans un article plus général à propos de Pier Audio, les tubes trainent, un peu comme des casseroles, une réputation de son old school, exagérément chaleureux et un peu paresseux, ou bien d’appareils sympathiques mais quand même pas très fiables et peu rigoureux : rien n’est moins vrai. Loin de moi l’idée de convertir chacun à la bonne vieille amplification à lampe, mais ne pas en compter dans notre sélection serait un non-sens.

Ce qui est intéressant dans cette solution hybride, c’est que des tubes de grande qualité sont employés pour récupérer le signal audio de la source et l’amener à la tension idéale aux étages de puissance à transistors qui travaillent alors dans des conditions parfaites pour fournir aux enceintes un son raffiné et vif mais aussi puissant et solide. Dans le cas du MS-580SE, 50 watts sont disponibles nominalement, cela peut paraître modeste, mais dans une grande majorité d’association, y compris avec des colonnes, la sensation d’en avoir « sous la pédale » est bien là. Bien entendu, avec certaines enceintes vraiment exigeantes, son grand frère le MS-680SE pourra avantageusement prendre le relais, mais il assure déjà très généreusement dans le registre de la puissance.

Comme à chaque fois que nous déballons un appareil pour une première installation, nous le branchons sans attendre et le contraste est immédiat entre l’enveloppe métallique glaciale en cette saison et le son qui rapidement prend de la chaleur, de l’ampleur, et de la finesse. Même après 3 minutes de mise en route, Jérémy qui revient du stock me dit qu’il trouve que la musique remplit complètement l’espace du magasin et que c’est flagrant. Ensuite, je commence à faire défiler quelques morceaux sans aucun égard pour le sacro-saint rodage dont tous les appareils ont bien besoin mais sans doute encore plus en cette saison. Puis j’essaye la liaison Bluetooth, avec de la musique classique encore bien… Je n’essaye pas de prendre le pauvre appareil frigorifié en défaut, c’est juste que je veux comparer la liaison Bluetooth à une source externe (le Node2i de Bluesound pour ne pas le nommer) et franchement c’est assez impressionnant. Un rien simplifié, un rien moins fin et détaillé dans l’aigu, mais quand même, c’est plus qu’un gadget pour être dans le coup, cette entrée Bluetooth est vraiment sympa. Ensuite, je me calme, on a du monde au magasin et on se dit qu’il est temps de le laisser tranquille le temps qu’il prenne la température ambiante sur le « Mellow Mix » de Radio Paradise.

Jour 2 : je suis absent la matinée mais Jérémy a remis l’appareil en fonctionnement. Je constate, au vu (dit-on « à l’entendu » ? Bizarre, pas sûr) de la playlist qui s’enchaîne qu’il a manifestement testé quelques limites avec des morceaux plus… limites, de derrière les fagots, du genre que des parents bien intentionnés n’autorisent pas à leurs jeunes enfants tant qu’ils en ont le contrôle… Je passe donc à quelque chose de plus moelleux pour les oreilles de passage. Et là, encore une fois se développe un son étonnamment panoramique, très large mais aussi très présent, au point que les voix par exemple sont vraiment vibrantes, troublantes de proximité. On sent que l’appareil commence à accumuler les heures d’écoute et se libère un peu plus, sans chauffer beaucoup par contre, c’est une différence avec certains de ses frangins. Les graves sont très vivants, très nuancés, pas forcément hyper impactants mais très naturels, très différenciés. C’est vraiment une caractéristique intéressante parce qu’elle permet de se rendre compte de toute la diversité des sensations qui existe dans ce registre qui peut parfois être un peu monotone ou répétitif. À l’autre extrémité du spectre, les aigus donnent d’abord l’impression d’être légèrement atténués, mais au bout d’un moment on réalise qu’en fait, ils sont incroyablement fluides, souples et que cette impression initiale provient du fait qu’on entend assez souvent les fréquences les plus aigües comme quelque chose de particulier, quasi détaché du message sonore, et cela peut les rendre irritantes ou artificielles. Lorsque, comme ici, elles font corps avec les timbres des différents instruments, elles ne se manifestent plus comme des points sur des i, c’est vraiment très agréable et confortable. Je me fais souvent la réflexion : du temps où les concerts existaient encore, jamais, s’il s’agissait d’un concert acoustique, je n’ai trouvé que les instruments produisaient un son agressif. Ils ont été conçus pour sonner de manière harmonieuse, peu importe le matériau qui les constitue. Donc cuivres, bois, violons, percussions, guitares, piano ou clavecin, aucun de ces instruments n’est en soi agressif. Il est au choix percussif, ciselé, puissant ou léger, souple ou articulé, profond ou aérien mais en aucun cas désagréable ou irritant. Idéalement donc, il n y a pas de raison qu’une fois dans votre salon ils se mettent à vous chauffer les oreilles… Bien sûr, on peut parfois incriminer les prises de son réalisées de tellement près que l’on entend des détails qui ne nous parviendraient même pas dans la salle de concert, ou simplement bâclées, ou bien encore cette satanée compression qui proportionnellement favorise certaines fréquences en impactant plus la zone « riche » du son, c’est à dire les fréquence moyennes, mais dans un monde idéal, le plaisir d’écouter de la musique chez soi ne devrait jamais être altéré par des aigus intempestifs.

Assez digressé sur les aigus, j’évoquais la zone « riche » du son, celle de la voix humaine, celle qui définit les timbres de la majorité des instruments acoustiques, électriques ou électroniques, peu importe : ça c’est vraiment le terrain de jeu préféré des tubes électroniques, c’est là qu’ils marquent leur différence. Les nuances les plus ténues, les vibratos les plus imperceptibles sont rendus avec une acuité étonnante et cette qualité doublée par cette sensation de présence que j’évoquais plus haut vous interpelle, vous happe et vous fascine instantanément.
Mais en saucissonnant mes impressions de la sorte, je ne rend pas justice à ce que j’ai ressenti d’emblée, même à froid, et bien sûr plus encore après (je termine cet article au jour 4) à savoir une qualité globale d’effacement face au message musical complet, une impression de fenêtre ouverte sur un espace musical rempli de musiciens, d’instruments et… d’air ! Cet air, cet espace entre les instruments et les voix comme dans la réalité lors de la prise de son.
Franchement, ce MS-580SE est une très belle réussite, le Diapason d’Or reçu fin 2020 est totalement mérité. Un vrai coup de cœur, disponible à l’écoute si le cœur vous en dit !